Prédication du 13 septembre 2020

de Dominique Hernandez

L’heure est venue

Lecture : Jean 2, 1-11

Lecture

Jean 2, 1-11

1 Le troisième jour, il y eut des noces à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là.
2 Jésus aussi fut invité aux noces, ainsi que ses disciples.
3 Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n’ont pas de vin.
4 Jésus lui répond : Femme, qu’avons-nous de commun en cette affaire ? Mon heure n’est pas encore venue.
5 Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu’il vous dira.
6 Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures.
7 Jésus leur dit : Remplissez d’eau ces jarres. Ils les remplirent à ras bord.
8 — Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l’organisateur du repas. Ils lui en portèrent.
9 Quand l’organisateur du repas eut goûté l’eau changée en vin — il ne savait pas d’où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l’eau le savaient — il appelle le marié
10 et lui dit : Tout homme sert d’abord le bon vin, puis, quand les gens sont ivres, le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent.

11 Tel fut le commencement des signes de Jésus, ce qu’il fit à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples mirent leur foi en lui.

Prédication

J’ai choisi ce texte pour ce jour, jour du culte de rentrée pour le Foyer de l’âme et jour du baptême de Landry, de la confirmation de Constance et de Raphaël.
Ce récit est celui du premier signe de Jésus dans l’évangile de Jean. C’est important le premier signe : il donne la couleur de ce que Jésus le Christ fait parmi les humains et pour eux. Ce premier signe est un signe de fête, un signe de joie, d’une joie abondante. La vie pour nous, pour tous, la vie qui vient de Dieu est placée sous le signe de la joie. C’est la joie d’une bonne nouvelle, la joie de l’appel d’une bonté originelle, la joie de ce OUI de Dieu

que Jésus a mis en œuvre

et que le Christ fait toujours résonner même en des jours incertains ou en des jours d’épreuve.

Car nous ne lisons pas ce texte, ni les autres textes de la Bible, de manière littérale, en les prenant au pied de la lettre, mais nous lisons symboliquement, spirituellement. Le vin du récit symbolise cette joie qui est une dimension de la vie devant Dieu, avec le Christ, joie qui n’est pas pour soi tout seul mais qui est débordante, la joie partagée, la joie pour tous.
Ceci dit, je vous invite ce matin à nous intéresser à la façon dont Jésus est amené à faire couler le vin, la joie.

Le récit nous en informe tout de suite : celle qui est à l’origine de l’intervention de Jésus, c’est sa mère. C’est elle, la mère de Jésus qui prend la parole pour lui dire très simplement en peu de mot ce qu’elle a constaté : Ils n’ont plus de vin. C’est elle qui va dire aux serviteurs, toujours très simplement et en peu de mots : Faites tout ce qu’il vous dira.
Elle dit d’abord à Jésus le manque qu’elle a observé, cela pèse sur son cœur. Elle ne le garde pas pour elle en se disant que quand même la noce est bien mal organisée. Bien sûr les mariés et leurs invités pourraient continuer le repas à l’eau, mais cela n’aurait pas été pareil.
Elle dit ensuite aux serviteurs de se tenir prêt parce qu’elle croit que Jésus ne va pas laisser la fête être gâchée. Elle le croit de tout son cœur, elle a foi en Jésus.
Considérez comme tout cela est très fragile, deux petites phrases peut-être seulement murmurées ; cela semble bien peu de choses.
Mais sans cela, sans l’intervention de la mère de Jésus, appelons-la par son nom : Marie, rien ne se serait passé.
Elle est une femme, elle n’est pas la maîtresse de maison, seulement une invitée ; après tout, les serviteurs auraient pu ne pas l’écouter.
Mais sans la prise de parole de cette femme sans pouvoir, il n’y aurait pas eu de miracle à Cana, il n’y aurait pas eu de manifestation de la gloire du Christ. C’est quand même étonnant qu’un signe aussi important, le premier de l’évangile, tienne à si peu : de simples paroles humaines. C’est étonnant, c’est même incroyable et cela peut susciter de l’incrédulité : c’est quand même Jésus qui change l’eau en vin, pas sa mère, elle ne compte pas vraiment.
Mais si, cette femme sans pouvoir à l’humble parole compte. Avec ses quelques mots à Jésus puis aux serviteurs, elle a fait tout ce qu’elle a pu, ce jour-là, à Cana.
Sans elle la noce aurait été à l’eau ;
et Jésus a eu besoin d’elle pour manifester sa gloire.

Ils n’ont plus de vin. Marie a vu ce qui manque.
Qu’est-ce qui nous manque ? Quels manques éprouvons-nous ?
Nous avons entendu ce matin Constance, Landry et Raphaël. Ils ont parlé de confiance en soi, pas de se prendre pour un héros, mais de se tenir debout là où l’on est. Ils ont parlé de solidarité en actes, du souci de l’autre. Ils ont dit à leur manière ce qu’ils ont constaté, ce qui fait du bien et qui fait signe pour désigner la source de la vie qu’est le Dieu de Jésus-Christ. De cette manière, ils ont dit en creux les manques qu’ils ont constaté ou éprouvé : manque de confiance en soi, manque de solidarité, manque d’égalité.
Et nous, adultes, avons besoin de leur parole à eux, jeunes et sans pouvoir qu’ils sont, pour envisager sans étouffer d’angoisse le monde dans lequel eux deviendront adultes. Ils voient ce qui manque, pas tout peut-être mais qui peut prétendre dire le tout de tout ? Ils croient que Dieu ne reste pas indifférent mais peut susciter ce qui manque à la vie.
Nous avons besoin de leurs paroles, comme celles qu’ils ont dites ce matin, paroles qui nous invitent à leur faire confiance. Ils voient ce qui manquent et peuvent le dire, à Dieu et à nous, et ils feront ce qu’ils peuvent, aujourd’hui et plus tard.

Jésus répond à sa mère : Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ?
Cette réponse est souvent comprise comme une sorte de rebuffade. Quelque chose comme : de quoi te mêles-tu ? Puis Jésus se reprend, accepte de faire quelque chose et de commencer à cette occasion son œuvre de révélation de Dieu parmi les humains. Marie a quand même bien eu raison de lui parler, même si c’était maladroitement.
Mais nous pouvons aussi y entendre une vraie question : qu’y a-t-il entre toi et moi ? Et ça, c’est une question que chacun de nous peut recevoir pour lui-même. D’ailleurs la foi pose beaucoup de questions à celui ou à celle qui croit, et les réponses ne sont pas données à l’avance. La foi conduit à réfléchir, à chercher, à penser, à essayer, à se mettre en route.
Qu’y a-t-il entre toi et moi ? Qu’y a-t-il entre le Christ et moi ? Entre Dieu et moi ?
A cette question, Landry, Constance et Raphaël ont répondu aujourd’hui devant nous, après avoir écouté, partagé, interrogé, et réfléchi. Ils y ont répondu avec leur foi d’aujourd’hui, selon l’inspiration qui leur a été donnée et qui est passée

par leurs années de catéchisme au Foyer de l’âme,

par leur cheminement intérieur et les uns avec les autres,

par ce qu’ils ont reçu de ce que nous leur avons donné ici et par ce que d’autres ailleurs leur ont donné,

par ce qu’ils ont entendu dans leur cœur, dans leur âme, à travers des dialogues ou des silences,

par leur propre expérience de la confiance de Dieu en eux.

La mère de Jésus répond à la question en allant trouver les serviteurs : Faites tout ce qu’il vous dira. C’est l’expression de sa confiance en Jésus, son fils ; et cela nous interroge sur la confiance que nous portons réellement à nos enfants, pas seulement ceux de notre sang, mais nos enfants qui sont ceux des générations suivant la nôtre, nos successeurs. Faites tout ce qu’il vous dira. C’est aussi, bien sûr, l’expression de la foi de Marie en Celui qui est le Christ.
Fragiles paroles humaines, mais c’est ainsi que le miracle s’est produit et que la vie donnée est placée sous le signe de la joie coulant en abondance.
La mère de Jésus a fait ce qu’elle a pu. Jésus le Christ a eu besoin d’elle pour accomplir ce premier signe, pour manifester sa gloire de Fils de Dieu, sa gloire qui est d’aimer.
Constance, Raphaël, Landry, Dieu a besoin de vous pour manifester, pour rendre manifeste amour, joie, et tout ce qu’il offre en abondance et qui est le meilleur pour la vie, comme le vin puisé dans les jarres était meilleur que le précédent.
Il vous appelle, il vous espère, il vous fait confiance, avec vos paroles, avec la force que vous avez, avec votre personnalité, avec vos talents. Et vous pouvez faire couler en abondance ce que vous recevez de bon et de vivifiant.
Et nous autres, nous sommes plein de joie, pour vous et avec vous, entendant et comprenant à nouveau, grâce à vous, que cet appel, cette espérance et cette confiance nous sont aussi adressés.
Pour vous, pour nous, soyons-en certains. L’heure est venue.