Prédication du 8 juin 2025
de Dominique Imbert
Souffle et ouverture
Lecture : Actes 2, 1-13
Lecture biblique
Actes 2, 1-13
1 Lorsque arriva le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble en un même lieu.
2 Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis.
3 Des langues leur apparurent, qui semblaient de feu et qui se séparaient les unes des autres ; il s’en posa sur chacun d’eux.
4 Ils furent tous remplis d’Esprit saint et se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donnait d’énoncer.
5 Or des Juifs pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel habitaient Jérusalem.
6 Au bruit qui se produisit, la multitude accourut et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue.
7 Etonnés, stupéfaits, ils disaient : Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ?
8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?
9 Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d’Asie,
10 de Phrygie, de Pamphylie, d’Egypte, de Libye cyrénaïque, citoyens romains,
11 Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans notre langue les œuvres grandioses de Dieu !
12 Tous étaient stupéfaits et perplexes ; ils se disaient les uns aux autres : Qu’est-ce que cela veut dire ?
13 Mais d’autres se moquaient en disant : Ils sont pleins de vin doux !
Prédication
Aujourd’hui, le culte accueille deux baptêmes et une confirmation. Le baptême d’une enfant : Suzanne, voulu par ses parents Marie et François, le baptême d’une jeune fille : Alice, la confirmation d’un adolescent : Hector. Que s’est-il passé ? Qu’avons-nous fait en célébrant dans ce culte ces baptêmes et cette confirmation ?
Nous avons été témoins de l’œuvre de l’Esprit saint qui a soufflé et qui a conduit, a porté Marie, François, Suzanne, Alice et Hector.
Pour comprendre un peu plus ce que représente et ce que signifie ces baptêmes et cette confirmation, le texte de la Pentecôte tel que l’évangéliste Luc l’écrit dans le livre des Actes nous donne quelques pistes.
Luc a tissé son récit avec des précautions qui nous avertissent, nous avisent, et surtout nous donnent de l’espace pour comprendre. Un bruit comme celui d’un violent coup de vent, des langues qui semblent de feu. Luc évite les définitions, les précisions, les explications indiscutables ? Les images, les comparaisons permettent d’éviter les affirmations péremptoires qui ne laissent plus de place à celles et ceux sur qui elles tombent.
Luc est plus clair sur les conséquences de l’advenue du bruit et des langues de feu, sur ce que produit l’irruption de l’Esprit saint parmi les disciples rassemblés : ils sortent et se mettent à parler en d’autres langues.
Nous n’avons pas été témoins de tels événements ce matin ! Pas de phénomènes sonores ou visuels, pas d’expressions en langues étrangères. La Pentecôte de l’année 2025 ne serait-elle que l’ombre de celle mise en scène par Luc ? Une réduction de la première Pentecôte chrétienne ? Une réduction qui serait opérée dans le cadre de la tradition et du rite. Car il y a bien de cela dans le baptême et la confirmation : une part de tradition et de rite de passage : naissance, adolescence, et aussi passage à la singularité affirmée de soi-même par l’expression de foi personnelle et publique. Les traditions et les rites ne sont pas à rejeter, ils ont leur part dans la structuration des personnes et des groupes.
Mais il y a bien plus dans ce dont nous sommes témoins aujourd’hui.
Il y a l’expérience de Marie et de François dont l’existence est bouleversée par une petite fille unique et neuve.
Il y a l’expérience d’Alice qui noue des fils d’héritage familial, de reconnaissance et d’aspiration.
Il y a l’expérience d’Hector avec les années d’école biblique, de catéchisme, et une quête de parole et d’être émergeant de l’enfance et du cercle familial.
Il n’y a pas que le rite et la tradition ; baptême et confirmation font signe d’un bouleversement, d’une transformation, d’une appropriation, d’un élan dans l’intériorité qui porte à la parole et donc à se relier, à vouloir relier soi-même ou son enfant au Dieu de Jésus-Christ, aux croyants rassemblés dans l’Église, et aux vivants du monde.
Baptême et confirmation font signe
de l’œuvre du Souffle de Dieu en des cœurs, des âmes, des esprits d’hommes de femmes, de jeunes
du désir de rendre visible et audible ce qui les a rejoint, saisi, bouleversé, ce qui les habite, par la reconnaissance du Dieu qui les aime ainsi qu’Hector l’a confessé, Dieu qui fait grâce
d’une relation libre et heureuse à ce divin qui se tient en eux, qui est vivant en eux, qui éclaire, réchauffe, anime, dynamise.
Nous en sommes témoins aujourd’hui, la tradition qui porte baptême et confirmation n’est pas celle d’une mise aux normes ou en conformité, mais elle est tradition toujours vivifiée et renouvelée de l’adhésion libre et joyeuse, de la gratitude émerveillée, de la liberté dans laquelle parler et se tenir pour avancer chacun, chacune, et ensemble.
Suzanne est et sera, disent Marie et François ; Je suis disent Alice et Hector. Ce n’est pas une définition mais une identité reçue et reconnue, identité en élaboration, en mouvement entre un amour donné et accepté et un appel à mettre l’amour en œuvre.
Alors les disciples sont poussés dehors, hors de la maison où ils s’étaient rassemblés pour rendre grâce, pour se souvenir des enseignements du Christ, pour prier ensemble, en témoins de la bonté de Dieu en Jésus-Christ. Ce témoignage est transporté par l’Esprit saint à l’extérieur des murs, de tous les murs qui délimitent leur assemblée, pas seulement les murs de briques.
De même aujourd’hui, le temps du culte ne suffit pas au culte : il est un temps ouvert sur un autre, le temps d’être au-dehors, sans quoi le culte ne serait pas un culte rendu au Dieu de Jésus-Christ. Cette ouverture vers le dehors, vers d’autres que ceux qui se rassemblent pour le culte est soutenue par une autre ouverture qui, elle, est interne à l’assemblée du culte. Luc en parle de deux manières.
La première est l’image des langues de feu qui se posent une sur chaque disciple. Chacun, chacune est rendu capable de dire les merveilles de Dieu et de les dire dans d’autres langues, c’est-à-dire aussi de manières différentes. L’Église dessinée par Luc est non seulement une Église ouverte mais également une Église témoignant d’un pluralisme originaire pour célébrer un seul Dieu, un seul Christ, une même foi qui n’est surtout pas uniforme. Célébrer le Dieu de Jésus-Christ c’est accepter, reconnaître, mettre en pratique et en forme ce pluralisme de la foi, des expressions, des pensées, de la théologie, sans qu’aucune expression ne puisse s’imposer face aux autres. Non pas un sens unique, mais du pluriel, légitime et indispensable, fruit de l’Esprit.
Ce qui tient l’Église, ce n’est pas une unique expression de foi, un seul discours, la somme déjà fixée de dogmes. Ce qui tient l’Église, c’est le don de Dieu : le Christ, l’Esprit, dans l’intériorité de chacun, de chacune, dans son chemin, avec ses expériences propres, là où chacun, chacune en est de sa propre histoire. Ce qui tient l’Église, ce n’est pas un pouvoir remis à quelques-uns ou à un seul, c’est la relation des uns aux autres sans prise de pouvoir, sans prédominance des uns sur d’autres, ce que la Cène que nous partagerons tout à l’heure manifeste, parce que ce qui nous relie les uns aux autres, c’est le Christ vivant, c’est l’Esprit de Dieu.
Une langue de feu se pose sur chacun, chacune, c’est-à-dire que chacun chacune est porteur du Christ Parole de Dieu et amour de Dieu : chacun se tient en relation personnelle avec le Christ vivant en lui, de même que le Christ est vivant en d’autres que lui. De cela nous ne sommes pas maîtres mais bénéficiaires, et c’est une merveille de Dieu. Chacun, chacune est porteur de la Bonne Nouvelle, c’est-à-dire aussi en nouveauté, en mouvement, qui commence dans l’écoute et l’interprétation de la Parole de Dieu dans les circonstances diverses de l’existence et du monde.
Ce pluralisme essentiel, certains le voient comme une ivresse, un excès de vin doux et ils en font un sujet de moquerie ou de dénigrement, comme si le pluralisme ne pouvait donner lieu qu’à de la confusion, qu’à de l’informe, de l’intenable, voire de l’insupportable. Luc met bien en scène dans le livre des Actes comment Pierre et Paul et Jacques et Philippe et d’autres encore ont éprouvé que le pluralisme de l’expression de la foi, la théologie plurielle ne rend pas toujours la fraternité toute simple et facile. Mais ils n’ont pas été et nous ne sommes pas laissés démunis face à ces difficultés. De même que le lecteur des Écritures sait bien, depuis le livre de la Genèse, que le chaos où la vie est impossible est celui d’où la diversité est absente, que la relation véritable n’est possible qu’en reconnaissance d’altérité, que la confusion vraiment destructrice de l’humain est générée par l’uniformité.
Lune autre manière dont Luc parle d’ouverture (je ne m’y attarderai pas) ne surprendra pas Hector car au KT nous avons passé plus d’une séance autour de questions. Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? C’est une question, pas un jugement plein de suffisance. Une question, c’est une place libre où l’Esprit peut se poser et aviver en nous le désir de parler et d’écouter, de grandir, de vivre.
Baptême et confirmation, pour Suzanne, pour Alice, pour Hector : avec eux, avec vous, nous sommes heureux, reconnaissants, en confiance et en espérance, car nous avons vu aujourd’hui les merveilles de Dieu.