Pasteur Wagner

Né en 1852 à Vibersviller (Lorraine) où son père est pasteur luthérien. En 1854 la famille Wagner s’installe à Tieffenbach, en Alsace. Charles Wagner grandit au contact de la nature puis fait de solides études de théologie à Paris et Strasbourg, avant d’embrasser à son tour le ministère pastoral, successivement à Barr, en Alsace (alors sous administration allemande) et à Remiremont, dans les Vosges.

En 1883 il est appelé à Paris par le Comité libéral, dans un contexte difficile marqué par les affrontements entre orthodoxes et libéraux. Il refuse de toutes ses forces ces déchirements, ces églises transformées en « champs de bataille » et, malgré l’échec de l’assemblée de Jarnac en 1906, ne cesse d’appeler les protestants à l’unité. Il exerce ses activités religieuses et sociales dans de modestes endroits du quartier de la Bastille : une simple pièce de son appartement puis des locaux de fortune rue des Arquebusiers et, à partir de 1892, boulevard Beaumarchais.

Enfin, le 17 mars 1907 est inauguré rue Daval (aujourd’hui rue du pasteur Wagner) le temple du Foyer de l’Âme où « l’on enseigne l’humanité » : « Qui que tu sois, frère et passant, paix sur toi (…). Entre ici ; tu ne seras l’hôte d’aucune famille étroite (…) ; tu seras l’hôte de Dieu et ton âme sera chez elle. »

Prédicateur, conférencier et écrivain des plus remarquables, Charles Wagner met sa parole et sa plume au service de ses convictions. « Ami de Dieu et des hommes », animé d’une foi qui n’est prisonnière ni des formules ni des doctrines, il pratique un christianisme chaleureux et efficient, prenant la défense des faibles, luttant contre les injustices et les exclusions. Dans un esprit de conciliation et de fraternité, il concourt à jeter les bases d’un dialogue entre les religions, ayant depuis toujours choisi « le sentier qui mène à la paix ».

Le rayonnement de sa pensée et de son action s’étend Outre-Atlantique ; en 1904 le président Théodore Roosevelt l’invite en Amérique où il donne 150 conférences. En France, où de nombreuses œuvres laïques d’enseignement font appel à lui, il forme des générations de jeunes et son engagement -inspiré par le Christ, « l’éternel contemporain »- suscite le respect et l’admiration de tous.

Il disparaît le 12 mai 1918, laissant l’empreinte de l’un des grands guides spirituels de son temps.

Gallica vous permet de l’écouter donner une leçon de morale à la Sorbonne le 7 février 1912 : Leçon de morale.

Petite anthologie des textes de Charles Wagner

Évangile et Liberté. « Nous sommes les fils de ces hommes [les réformateurs] qui rendirent à leur temps le grand service de lui restituer une âme, de lui apprendre à prier Dieu en langue populaire, de lui insuffler la Foi en des destinées nouvelles et de le mettre sur le chemin de la liberté de conscience. » (La Dette)

Unité du Protestantisme. « Dans le domaine de l’esprit, les moyens nous font défaut pour distinguer toujours et partout l’ivraie du froment. Il y a lieu, par conséquent, de se méfier de cette opération du sarclage si largement pratiquée, si énergiquement recommandée et si brutalement exécutée à travers l’histoire du monde et de l’Église. » (Les Sarcleurs)

Humanité de Dieu. « Un Dieu qui ne se traduirait pas en humanité n’existerait pas pour nous. (…) Il faut qu’il se mette à notre niveau et à notre température, et pourtant qu’il nous dépasse de toute la hauteur de l’infini. Voilà le mystère, rapproché de notre horizon par la révélation en Jésus. » (L’Ami)

Humanisme. « Si nous comprenions ce que nous dit l’humanité blessée, nous quitterions tous l’iniquité, et la pitié divine nous nettoierait de nos souillures. Somme toute, la seule vraie conclusion humaine à tirer des plus effroyables calamités est toujours la même. (…) L’Évangile n’en enseigne point d’autre. Que faire devant les montagnes sombres de la souffrance? Il faut aimer. » (Vers le cœur de l’Amérique)

La Foi. « Aie le courage de te fier au pouvoir en qui repose l’univers. C’est le grand pas, la grande affaire. Se confier ainsi largement, tranquillement, c’est un acte de vaillance spirituelle. Mais n’est-ce pas en se jetant dans l’espace libre pour la première fois que l’oiseau s’aperçoit qu’il a des ailes? » (L’Ami)

La Nature. « Malheur à qui ne voit dans l’arbre qu’une matière première pour le charpentier, l’ébéniste ou le charbonnier. Il méconnaît l’âme des choses. (…) L’Ancien Testament appelle les cèdres du Liban, les cèdres de Dieu. L’Éternel les a plantés. Quelque chose de lui circule dans leur sève et chante dans leurs branches. (…) Les grands arbres sont le symbole de toutes les choses que le mercantilisme déclare inutiles, mais qui sont indispensables à l’humanité. » (Le Long du chemin)

La Mort. « Les morts sont entrés du contingent dans l’éternel. (Devant le témoin invisible) Pâques, c’est la vie triomphant de la mort. » (L’Ami)
« 
Je m’endors pour les choses qui ne sont que d’un temps. Accueille-moi dans celles qui sont pour toujours. » (Devant le Témoin invisible)

Laïcité. « Laïciser, en matière religieuse, n’est pas (…) enlever une croix du fronton d’une église; sortir un Christ du prétoire; ôter à un moine son froc; à une religieuse sa cornette. Laïciser, en vérité, c’est retourner à la racine humaine des institutions, des croyances, des coutumes, des sentiments. » (L’Idée laïque)

Morale sociale. « Trop d’encombrantes inutilités nous séparent de l’idéal de vérité, de justice et de bonté qui doit réchauffer et vivifier nos cœurs. (…) Souviens-toi de l’essentiel, oublie l’accessoire! (…) ne gaspille pas ta vie; fais-la fructifier! » (La Vie simple)

« La liberté, c’est l’être qui se déploie dans un sens conforme aux intentions éternelles indiquées en lui. » (Par la loi vers la liberté)

Regard sur la vie religieuse en Amérique. « [Elle] est représentée par une multitude de sociétés et d’églises diverses (…). L’Amérique a appris la liberté et le respect de la liberté, à l’école de l’histoire. (…) Dans les églises protestantes on remarque très couramment un mélange que je considère comme très heureux entre la tradition et la pensée actuelle. » (Vers le cœur de l’Amérique)

Dialogue entre les Religions. « (…) il convient de se garder l’âme à l’abri des haines religieuses. (…) Offertes à Dieu, pour combattre l’erreur et venger ses querelles, elles équivalent à des blasphèmes. » (N’oublie pas!)

« Les pires sectaires (…) ce sont les hommes d’église et les hommes de religion, quand ils ont chevillé à l’esprit leur fanatisme, leur formalisme, leur particularisme (…). » (Le Bon Samaritain)

« La Bible est le livre le moins exclusif qui soit. » (Vers le cœur de l’Amérique)

« Je rêve donc d’Églises, se recevant entre elles. » (L’Ami)

Prière. « La prière, c’est la pensée de l’homme, son âme tout entière, ouverte comme un livre sous le regard de Celui qui, seul, sait tout voir et tout comprendre. » (Sommes-nous tous des libres croyants? )

« (…) nous venons à toi pour te prier de nous soutenir, afin que les grandes tribulations, le désordre mondial, les secousses qui ébranlent les volontés, ne nous fassent pas sortir du contact avec toi, et que nos peines ne soient pas inutiles. » (Fidèle aux Morts)