Les concerts du mois – Février 2022

Les Cantates

Dimanche 6 février – 17h30

Cantate BWV 77
Du sollt Gott, deinen Herren, lieben”
(Tu aimeras le Seigneur ton Dieu)

La cantate Du sollt Gott, deinen Herren, lieben fut composée pour le 13e dimanche après la Trinité de l’année 1723, le 22 août.
Le thème liturgique de ce dimanche est celui du bon Samaritain, la parabole de cet homme venu de la région de Samarie et qui se porte au secours d’un inconnu. Le Christ par ce récit éclaircit ce que signifie « aimer son prochain comme soi-même ». Le prochain, c’est l’homme, sans distinction.
Bach va donc se frotter à Dieu, à sa loi. Il va le faire avec l’aide de Luther, théologien et musicien, et de son choral Dies sind die heilgen zehn Gebot (voici les dix commandements).
L’organiste Gabriel Wolfer précise : «Chez Bach comme chez Luther, la relation entre l’Ancien et le Nouveau Testament est très forte. Les commandements ne sont pas vus comme une loi cruelle mais au travers des préceptes de l’amour de Dieu.»
Dans la pièce d’orgue élaborée sur le choral de Luther, «la mélodie est exposée en canon (en grec, kanon signifie la règle). Ses douze phrases font allusion aux Dix Commandements, auxquels s’ajoute le commandement nouveau du Christ, en deux parties, qui est le sujet de la cantate 77. Bach reste en sol majeur et les ornements sont absents.
On retrouve ce symbolisme dans la fugue qui suit : c’est une gigue dans laquelle le thème apparaît 10 fois.»
Le chœur d’ouverture de la cantate reprend pour socle le choral de Luther.
Enoncée par la trompette (dix fois, bien sûr), sa mélodie est reprise en canon par la basse en valeurs deux fois plus longues. Les deux extrémités du spectre sont unies : c’est l’universalité de cette loi qui embrasse tout et conditionne tout. Bach obtient un brassage puissant par la superposition des voix, comme pour signifier que le chrétien doit puiser au plus profond de lui.
Les dix dernières mesures sonnent comme un aboutissement : instruments suspendus, sauf la trompette affairée au choral, pour que les chanteurs concluent : et tu feras de même avec ton prochain.
Après un court récitatif viennent deux parties dans laquelle le chrétien s’adresse à Dieu: un air de soprano où basse continue, instruments aigus et chant font jeu égal, puis un récitatif accompagné qui tire parti des longues tenues de cordes, symbole d’éternité.
L’aria pour alto voit réapparaître la trompette.
Voici ce qu’en dit Jean-Daniel Souchon, qui exécute cette partie stupéfiante : « Bach transmet là l’Unvollkommenheit (imperfection) de la tentative des hommes à vivre selon la loi de l’amour. La première partie est pratiquement injouable sur une trompette naturelle sans trou ni piston. La section centrale offre au contraire un passage très trompettistique qui décrit la volonté d’obéir à ce que dieu commande.»
Mais la forme en aria da capo ramène au début, et c’est donc avec la souffrance de l’homme qui ne peut accomplir pleinement le choix de Dieu que l’air s’achève.
Un choral vient conclure la cantate. Les paroles ne figurent pas sur le manuscrit de Bach qui nous est parvenu. On utilise ici un verset de O Gottes Sohn, Herr Jesu Christ de David Denicke (1603-1680).

Christian Leblé
Les Cantates.org