Méditations du 19 mars 2023

Culte préparé avec l’Entraide

de Dominique Hernandez

1ère lecture biblique

Deutéronome 5, 15

15 Tu te souviendras que tu as été esclave en Egypte et que le Seigneur, ton Dieu, t’en a fait sortir d’une main forte, d’un bras étendu : c’est pourquoi le Seigneur, ton Dieu, t’a ordonné de célébrer le jour du sabbat.

1ère méditation

Tu te souviendras, c’est comme un refrain dans le livre du Deutéronome ; tu te souviendras que tu as été esclave en Égypte. La première fois, c’est le verset que nous avons lu, et le souvenir est articulé au sabbat, c’est-à-dire à la relation à Dieu. Les autres fois, l’exhortation vient conclure un commandement où ce qui est en jeu, c’est la relation à autrui et particulièrement aux étrangers, aux veuves, aux pauvres.
Le souvenir de l’esclavage et de la libération nourrit la possibilité de vivre ensemble en société c’est-à-dire dans l’attention aux plus faibles et aux plus démunis.
Se souvenir de l’esclavage, c’est se souvenir de l’oppression, du malheur, de la douleur, de la détresse, de la sensation/sentiment/conviction de n’être rien ni personne.
Se souvenir de l’esclavage et de la libération, c’est aussi ne pas rester enfermé dans le souvenir du malheur, ne pas laisser le souvenir de l’oppression peser sur le présent, ne pas laisser la rancœur, le ressassement, le ressentiment de l’esclavage passé prendre le pouvoir sur soi, mais se tenir dans la dynamique de la libération et se disposer en gratitude.
Personne ne devient un être libre, capable, et responsable tout seul par ses propres forces et ses propres moyens
Pourtant, l’oubli rôde.
La facilité, le bien-être, le confort de l’esprit enfouissent facilement hors de la conscience le souvenir de la misère, de l’épreuve, du malheur passés, et laissent la place à la jalousie, à l’esprit de comparaison et à la peur de perdre ce qu’on a.
Tu te souviendras que tu as été esclave et que l’Éternel t’a fait sortir de l’esclavage. Quel qu’ait été cet esclavage, celui de la peur de vivre ou de la mort, celui de l’injonction à vivre de telle ou telle manière, celui de la compétition pour gagner une place, celui de devoir mériter d’être vivant, celui de devoir être fort… Il y a eu un appel, une question, un frémissement, une lumière qui a conduit vers la confiance, vers la reconnaissance, vers la liberté de penser, de croire, d’agir non pas contrainte mais en responsabilité.
La libération crée des liens entre les bénéficiaires de la libération, les liens de la gratitude partagée, et aussi des liens d’espérance avec ceux à qui elle est promise, et c’est une responsabilité qui advient ainsi : répondre de sa présence et de celles d’autrui. Se souvenir et devenir disponible à celles et ceux qui ont besoin d’être relevés.

Tu te souviendras de la grâce qui t’a relevé, réveillé, qui t’a fait véritablement vivante, vivante.
Et ton histoire singulière est rejointe par d’autres histoires singulières dans une histoire commune, partagée dont le culte par exemple rend compte et qu’il ravive lorsque nous nous réunissons pour le célébrer.
Le culte est un temps pour se souvenir de son histoire, de son chemin, non comme un poids, un remord ou une culpabilité, mais comme un élan toujours renouvelé dans la libération, dans la grâce déjà donnée et qui n’est pas retirée.
Faites ceci en mémoire de moi, a dit le Christ à ses disciples. Partager le pain et le vin, partager la force, le courage et la joie d’être vivant. Partager aussi chants, prière, silence, écoute, et se souvenir chacun et ensemble de ce qui nous fait vivre. Et s’en souvenir, lorsque nous quittons le temps du culte, en restant dans cette disposition de gratitude qui est le ferment d’une existence dépliée, ouverte, accueillante, d’une église ouverte et accueillante.

Tu se souviendras, en allant au culte avec l’assemblée qui y est réunie, et aussi, seul, en marchant dans la rue.

2nde lecture biblique

1 Corinthiens 12, 20-22

20 Maintenant donc il y a une multitude de parties et un seul corps. 
21 L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi », ni la tête dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous. » 
22 Bien au contraire, les parties du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires.

2nde méditation

Paul écrit à une communauté très diverse, pour lui faire comprendre que la diversité est faite pour être richesse et bénédiction, comme le chante le poème au commencement des Écritures. La diversité n’est pas un danger, mais une chance pour la vie de tous.
Nous pouvons le comprendre et le croire aussi en regardant cette communauté ici, la diversité des chemins de foi et de vie, la merveilleuse liberté dans laquelle Dieu a soufflé sa grâce pour les uns et les autres et la liberté tout aussi merveilleuse avec laquelle chacun, chacune y répond. Car il n’y a qu’une source à cette diversité et un seul Esprit qui l’anime sans que jamais, pour que jamais la diversité ne doive céder la place à l’uniformité.
La Source d’être qui fait advenir, devenir, être les uns et les autres est au bénéfice de tous et en cela, elle unit, réunit, elle rassemble en communion, une communion qui toujours fait large place au souci d’autrui.

L’autre, les autres et moi sommes membres d’un même corps que Paul nomme le corps du Christ, cette métaphore du corps signifie au moins deux choses :

  • La première est que l’ensemble importe dans son ensemble, avec tout ce qui le constitue comme ensemble : chaque membre compte écrit Paul. L’Esprit qui relie les divers membres n’est pas plus présent dans l’œil que dans la main et les plus petites parties sont autant membres du corps que les plus grandes, manière de dire que la diversité comprise comme richesse et bénédiction n’est pas prétexte aux comparaisons ni au tri. Chaque membre est un don pour les autres et chaque membre reçoit des autres en une solidarité vive.
  • La seconde est que le corps implique une présence. Le corps est ce qui donne présence tangible et agissante dans le monde. Le corps du Christ n’est pas corps pour être tout seul ; un corps, c’est le lieu des relations avec ce qui n’est pas lui. Le corps de Jésus le Christ était le lieu de son engagement dans le monde, en proclamation de l’Évangile et en services et soin d’autrui, les quatre évangiles en portent témoignage.

Ainsi, l’Église corps du Christ, ne peut se prévaloir d’un privilège quelconque ni prétendre offrir un retrait du monde. Au contraire, elle est corps du Christ pour porter autour d’elle, en dehors d’elle, porter une onction. Puisque c’est ce à quoi renvoie le titre de Christ : une onction, qui est bénédiction, qui est service et soin d’autrui. Le corps vivant est corps présent et agissant.
Et ce n’est pas le service d’un seul ou d’un petit groupe, c’est la vocation de tous. L’Église corps du Christ, et donc l’Église qui est au Foyer de l’Âme, a pour mission d’être bénédiction dans le monde. Nous tous, même les plus faibles, même ceux qui pensent être les plus faibles. Car ce n’est pas seul que l’un ou l’autre est membre du corps, c’est toujours avec d’autres membres, dans cette belle diversité qui est déjà bénédiction pour ce corps.

Le Foyer de l’Âme s’associe à d’autres corps de solidarité pour manifester la présence du corps du Christ à sa façon dans le monde, d’autres corps constitués, grands ou petits.
De même que chacun de nous fait partie d’autre corps, sociaux, professionnels, familiaux.
Il n’y a pas plus de corps unique que de corps uniforme.
Les croisements, les interactions entre ces corps doivent assurer un équilibre général auquel chacun participe individuellement mais nous savons bien que l’équilibre n’y est pas, car trop de personnes sont exclues, ignorées, méprisées, opprimées – ce qui questionne la société en général, la justice, ce qui pose aussi la question du mal et la question du bien. Le corps du Christ se soucie de ces personnes, il est présent et agissant auprès d’eux, à travers une extrême diversité d’actions et d’œuvres d’entraide, de soin, de solidarité.
L’ensemble du corps y est engagé, il ne se coupe pas en deux ou trois. La vocation d’onction, de bénédiction est donnée à tous les membres et chacun peut y répondre avec ses capacités, ses dons, Paul écrit ses charismes.
L’entraide, on dit aussi en Église la diaconie – ce qui signifie service – est signe de l’amour et de la grâce de Dieu qui nous rendent capables ensemble, en corps,  encore, de les manifester dans le monde.