Les concerts du mois – Mars 2020

Les Cantates

Dimanche 1er mars – 17h30

Cantate BWV 113 « Herr Jesu Christ, du höchstes Gut »

coordination artistique Ruth Weber

Bach composa la cantate Herr Jesu Christ, du höchstes Gut pour le onzième dimanche après la Trinité, le 20 août 1724, en l’adossant à un cantique du Carême, temps liturgique qui vient de commencer. Le texte de ce chant de pénitence est écrit par le théologien Bartholomäus Ringwaldt à la fin du XVIe siècle. Bach reprend les huit strophes d’origine qu’il remanie pour produire huit numéros musicaux contrastés. Il réussit à préserver un caractère ancien, dépouillé et austère, tout en ménageant une progression à travers la cantate.
Le premier chœur est très épuré (pas d’ivresse, presque aucun décalage entre les voix) et inquiet (des phrases sans cesse interrompues, comme à bout de souffle). La tension est maximale autour du mot Schmerzen (les douleurs). Pourtant, si les hautbois s’associent à cette plainte, les cordes débordent de générosité, à l’image du dieu source de grâce.
L’alto énonce ensuite, ligotée par la longue phrase des cordes à l’unisson, la deuxième strophe du cantique avec sa mélodie originale.
Bach va t-il tenir ainsi toute une cantate en ressassant cette musique ?
Il répudie la mélancolie avec un air de basse animé, rapide et chaloupé. C’est une surprise, car le texte -la troisième strophe remaniée du cantique- reste très sombre. Pourtant un espoir pointe : la parole divine promet le réconfort. Peut-être est-ce la raison de ce gai la majeur…
Après avoir fait le portrait de l’homme accablé par ses péchés, la cantate multiplie à partir d’ici les encouragements et l’auditeur va remonter la pente.
Retour d’abord au cantique, dont le librettiste de Bach découpe le quatrième verset en fines lamelles pour intercaler force détails sur l’action de la grâce divine. Les paroles originales sont portées par une longue ligne de basse, tandis que l’argumentaire quasi-publicitaire est soutenu par des accords.
Ce long récitatif conduit l’auditeur à un plateau, avec le sentiment du but atteint. C’est le ténor qui l’accueille, accompagné de la flûte à la sonorité très douce. Air d’esprit populaire, le seul pourtant à utiliser la forme italienne nouvelle qui s’impose à l’époque de Bach, avec reprise de la première partie de l’air en conclusion (air dit en « da capo »).
Le ténor s’y montre toujours plus volubile et plein d’espérance. Il s’engage ensuite dans un récitatif solidement soutenu par les cordes, dont les longs accords traversent plusieurs tonalités et donnent ainsi l’impression d’un long parcours : c’est presque une montée au ciel qui est dessinée là. En passant, le librettiste regroupe deux références bibliques, l’une qui figurait dans la cinquième strophe du cantique (David et Manassé faisant l’un et l’autre preuve d’humilité dans l’Ancien Testament), l’autre tirée de l’évangile du jour (Luc 18,9-14).
Bach se laisse inspirer par l’image de l’étreinte qui unit le croyant et son dieu, évoquée à la fin du récitatif. La voici symbolisée par ces deux voix, alto et soprano, qui s’entrelacent après avoir énoncé, à tour de rôle, la septième strophe du cantique.
L’ultime strophe est traitée par une simple harmonisation pour laisser la musique originale rayonner.