De la parole à la langue

L’actualité des médias est agitée, entre autres sujets, par les prémices de la campagne électorale en vue de l’élection à la présidence de la République l’an prochain. Candidats déclarés, déjà, pas encore, peut-être, bientôt… annonces, commentaires, sondages, ébauches de programme, tweets et discours s’accumulent dans un tourbillon de mots écrits ou prononcés, souvent entre maux et vanité.

Mi-octobre, la journée de réflexion et d’échanges du Mouvement du Christianisme social, en prise avec cette actualité qui va durer, avait pour thème : Refonder la parole politique. Elle s’est ouverte par la lecture d’un extrait de la lettre de Jacques (Jc 3,1-12) dans laquelle l’auteur met en évidence les dangers de la langue, ce tout petit organe du corps que l’être humain a le plus grand mal à maîtriser et dont l’effet peut être dévastateur comme un feu dévorant. Par une succession de métaphores toujours évocatrices, l’auteur insiste sur le caractère diabolique de la langue, au sens où diabolique désigne la capacité à diviser, à tromper pour dominer, à envenimer et pervertir les relations. Si Jacques s’adresse particulièrement aux enseignants de la communauté, son propos connaît un élargissement maximum en notre époque où chacun peut se prévaloir d’avoir quelque à dire sur tout, mélangeant plus ou moins judicieusement avis, opinions, croyances, incrédulités, aveuglements et savoirs, et où la langue est trop souvent plus une arme pour vaincre que l’instrument d’un véritable dialogue et de la croissance de l’humanité de chacun. Alors bien sûr, ainsi que l’écrit Jacques, « nous trébuchons tous ».

La sagesse de Jacques vise à travailler et faire grandir la dimension spirituelle de l’existence humaine. Ainsi chacun peut maîtriser sa langue, non en se taisant, mais en s’engageant sur un chemin de maturité, d’intégrité et d’accomplissement ouvert par la Parole vivante et en relation avec elle. Il ne s’agit pas tant de la cohérence entre le dire et le faire que de l’articulation entre la foi et la langue, la cohérence de l’existence humaine qui est dire et faire avec la Parole créatrice qui nous met au monde. Si l’être humain se tient en relation avec la Parole de vie et de vérité, alors la langue sera bénédiction et non malédiction pour et de l’humain qui est à la ressemblance de Dieu.

Dominique HERNANDEZ

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