La cantate Siehe, ich will viel Fischer aussenden a été jouée à Leipzig le 21 juillet 1726.

Cette année-là Bach avait repris de nombreuses cantates de son cousin, Johann Ludwig. Elles avaient une structure commune en deux parties, s’ouvrant sur une citation tirée de l’Ancien testament pour la première, du Nouveau pour la seconde. C’est cette coupe qu’on retrouve ici.

Pour ce Cinquième dimanche après la Trinité, l’évangile du jour est l’épisode de la pêche miraculeuse (Luc 5, 1-11) symbolisant la multitude des hommes qui rallieraient bientôt la foi chrétienne. Dans l’Ancien testament, le librettiste a trouvé chez le prophète Jérémie (Jr 16-16) une métaphore identique, fut-elle beaucoup plus véhémente. Ce sont ces deux citations qui structurent cette cantate.

Pas de chœur d’ouverture. C’est la parole divine qui prime, et avec elle la voix de basse qui est son  véhicule chez Bach. Elle investit immédiatement tout l’espace sonore. La tessiture du chant est très étendue, l’orchestre crée un sentiment de plénitude : mouvement constant, stabilité à toute épreuve… Un soudain contraste au milieu de l’aria ajoute même la puissance à l’ampleur déjà acquise.

Le dieu de l’Ancien testament menaçait d’envoyer pêcheurs et chasseurs débusquer tous les mauvais fils d’Israël qui s’étaient détournées de lui. Le ténor anticipe le Nouveau testament en présentant un dieu qui jamais n’abandonne ceux qui croient en lui, se fussent-ils égarés. Son air est un véritable chassé-croisé d’émotions, le chant montant ou descendant, hésitant ou affirmé et le hautbois d’amour dessinant lui aussi des arabesques parfois claires, parfois confuses. Une longue conclusion instrumentale au caractère ferme vient refermer l’air et avec lui la première partie. Le terrain était préparé pour le sermon.

La seconde partie s’ouvre sur une scène, à la manière d’une Passion. Le ténor, comme un évangéliste, annonce la parole divine. La citation du Nouveau testament est soulignée par l’inépuisable formule du continuo à laquelle répond la longue vocalise de la basse sur le mot fahen (pêcher) : deux motifs qui traduisent la joie et l’abondance.

C’est bien de cela dont il est maintenant question : comme Simon, l’un des premiers disciples, chacun doit faire fructifier au mieux les dons divins.

Le caractère universel du message est suggéré par un canon entre soprano et alto. Cet effet de multitude et les figures rythmiques bondissantes prolongent l’esprit de l’intervention précédente.

Un dernier récitatif de soprano vient appeler à la persévérance dans la foi et annonce la résolution collective qui va s’exprimer dans le choral final. Le continuo y est très expressif, ajoutant de véritables signes de ponctuation au chant. L’assemblée entonne la dernière strophe d’un cantique célèbre de Georg Neumark (1621-1681), Wer nur den lieben Gott lässt walten, chant de consolation du chrétien mettant toute sa confiance en Dieu. Bach fit grand usage de ce choral.

Christian Leblé

 

La présentation complète de chaque cantate jouée dans ce cycle au temple du Foyer de l’Âme est accessible sur le site Les Cantates.