La cantate Gelobet seist du, Jesu Christ, fut donnée le 25 décembre 1724 à Leipzig. C’est une cantate de choral, c’est à dire que Bach prend comme « armature » un choral ancien -ici de Luther. C’est la manière dont Bach accommode musique et texte originaux qui permet une progression à travers la cantate, là où le choral n’est que la répétition de sept strophes identiques.

Le chœur d’introduction fonctionne comme un amplificateur : la première strophe du choral de Luther se trouve enchâssée dans un environnement polyphonique très riche. Les sopranos énoncent la mélodie ancienne en notes longues pendant que les instruments et les trois voix inférieures s’affairent à une musique luxuriante, active et joyeuse.

Le choral original se prolonge dans le récitatif suivant : la deuxième strophe est en quelque sorte étendue, étayée, non plus en épaisseur comme dans le chœur mais en longueur. L’effet est particulier puisque le choral en notes égales affleure de proche en proche sous la musique nouvelle, plus irrégulière, proche du parlé. Comme si cette parole était sous-tendue par le choral.

Ces deux premiers numéros ont bien installé ce choral dans l’esprit de l’auditeur. Bach peut maintenant s’en éloigner et n’y reviendra qu’en conclusion de la cantate.

Troisième et quatrième strophe sont maintenant condensées dans un air de ténor qui évoque la nativité, pas tant dans son climat que dans son paradoxe : le divin incommensurable s’installe dans un coin d’étable. Les trois hautbois qui accompagnent la voix apportent certes une couleur pastorale mais aussi un rythme solennel qui souligne l’importance du moment.

Le récit de basse qui fait le commentaire de la cinquième strophe du choral de Luther invite les hommes à recevoir ce Dieu qui s’annonce sur Terre. Il est là pour les mener devant son trône à travers la vallée de larmes de la vie : ce dernier mot Jammerthal est à la fois souligné par une pénible progression de demi-ton en demi-ton, et hissé jusqu’à la lumineuse conclusion en do majeur, annonçant les trésors du Ciel : le chemin et le but en une même figure.

La solennité se fait ici plus immatérielle : ce sont les cordes qui marquent un rythme inflexible, symbole d’éternité et de gloire. Les deux voix -alto et soprano- paraphrasent la sixième strophe de Luther et explicitent cette relation entre la pauvre condition humaine et la richesse dans l’au-delà.

La dernière strophe du choral de Luther vient conclure la cantate, ponctuée comme le chœur initial par la louange Kyrie eleison.

Christian Leblé

La présentation complète de chaque cantate jouée dans ce cycle au temple du Foyer de l’Âme est accessible sur le site Les Cantates.