La cantate Herz und Tat und Mund und Leben est une cantate migratrice. La version jouée aujourd’hui fut élaborée par Bach à Leipzig pour le 2 juillet, fête de la Visitation (la visite de la Vierge Marie à sa cousine Elisabeth). Plusieurs remaniements s’opérèrent entre 1723 et 1730. Mais une version plus ancienne, disparue, fut donnée à la cour ducale de Weimar où Bach travailla de 1708 à 1717. Le livret publié à l’époque permet de déterminer que seuls le chœur initial et les trois premiers airs y figuraient. La cantate était en outre conçue pour le quatrième dimanche de l’Avent, jour où l’on fête Jean-Baptiste. Pour la reprendre, Bach dut donc ajouter d’autres numéros et réorienter son texte.

Cette cantate déploie probablement moins d’antagonismes que d’autres. Elle exhorte à témoigner à chaque instant de sa foi dans le Sauveur. Le nuancier ira de la tendresse à l’ardeur mais le caractère ne s’éloignera jamais d’un ton positif et confiant. Fête oblige.

Le chœur d’ouverture affirme cette solidité et cette clarté. L’instrumentarium très fourni est coiffé par la trompette, annonciatrice et vaillante.

Le premier récit, très tendre, est l’exemple-même du matériau que Bach ajouta à Leipzig. La source principale de son inspiration, c’est le Magnificat, le chant d’actions de grâces de la Vierge rapporté dans l’Evangile de Luc (1; 39-56).

L’air d’alto existait dans la version de Weimar, mais de hautbois d’amour pour l’accompagner, Bach n’en avait pas à sa disposition. C’est encore un détail de la transformation qu’a subi l’œuvre.

Le récit de basse se distingue par beaucoup de figuralismes, le continuo imitant la chute des puissants ou la rédemption des humbles en de grands mouvements contraires.

L’air de soprano est plus complexe : la basse est régulière et sûre, comme la promesse du Salut, le violon solo ajoute d’abondantes arabesques : profusion de la grâce divine, chair de poule de l’âme qui la reçoit.

La première partie se termine sur deux strophes d’un choral ancien, Jesu, meiner Seelen Wonne, Jesu, meiner beste Lust du pasteur Martin Jahn (1661). L’orchestration qu’y adjoignit Bach le fit passer au rang de tube sous le titre fameux Jésus que ma joie demeure. Mais d’un point de vue luthérien, la mélodie chantée par les sopranos et soutenue par la trompette est plus importante que les gammes de Bach !

La seconde partie de la cantate était jouée après le sermon. Elle commence par un air de ténor criant à l’aide. Mais, là encore, pas vraiment d’inquiétude. C’est plus un motif sonore habile qu’une véritable détresse. Et pourquoi le continuo moud-il ses triolets ? Bach donne la réponse à la toute fin de l’air : le mot brennen (brûler) est chanté sur cette figure rythmique : c’est le feu d’amour dont se consume le cœur chrétien.

Nouveau récit inspiré par la Visitation où les deux hautbois figurent la Vierge et Elisabeth multipliant les louanges (une abondance qui rappelle le violon solo en 1ère partie).

Le dernier air convoque tous les instruments, en une sorte de récapitulation. La sonorité de la trompette, la richesse de la tessiture vocale disent la force de l’amour divin qui se transmettra au croyant.

Et, pour confirmer la solidité de ce propos, c’est le même choral qui revient conclure la cantate.

Christian Leblé

La présentation complète de chaque cantate jouée dans ce cycle au temple du Foyer de l’Âme est accessible sur le site Les Cantates.