Prédication du 22 mars 2020

Petit culte vidéo (enregistré pendant le confinement)

de Dominique Hernandez

Aujourd’hui et demain : seulement avec les autres

Lectures : Apocalypse 21, 1-8

Lecture

Apocalypse 21, 1-8

1 Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’était plus.
2 Et je vis descendre du ciel, d’auprès de Dieu, la ville sainte, la Jérusalem nouvelle, prête comme une mariée qui s’est parée pour son mari.
3 J’entendis du trône une voix forte qui disait : La demeure de Dieu est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront ses peuples, et lui-même, qui est Dieu avec eux, sera leur Dieu.
4 Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.

5 Celui qui était assis sur le trône dit : De tout je fais du nouveau. Et il dit : Ecris, car ces paroles sont certaines et vraies.
6 Il me dit : C’est fait ! C’est moi qui suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. A celui qui a soif, je donnerai de la source de l’eau de la vie, gratuitement.
7 Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et lui sera mon fils.
8 Mais pour les lâches, les infidèles, les êtres abominables, les meurtriers, les prostitués, les sorciers, les idolâtres et tous les menteurs, leur part sera dans l’étang brûlant de feu et de soufre : c’est la seconde mort.

Prédication

Il ne s’agit pas de parler de la fin du monde. Ce que le livre de l’Apocalypse révèle, et c’est d’ailleurs ce que signifie son nom, apocalypse = révélation, c’est ce qui est à l’œuvre dans le monde et lui donne sens, au-delà de ce qui apparaît.
Il ne s’agit donc pas de la fin du monde, de la fin des temps, mais de notre temps, un temps de crises multiples, dont celle qui nous confine chez nous en ce moment. Il s’agit de lire dans les soubresauts du monde, des sociétés, de lire à la lumière de l’Évangile, à la lumière de Pâques.
Pour le visionnaire de l’Apocalypse, la crise est celle de la persécution sous la domination romaine et sa mondialisation commerçante qui vise à gouverner les peuples, les relations humaines et les êtres humains eux-mêmes. Alors Jean de Patmos écrit sa vision afin que s’ouvrent les yeux, l’intelligence et la foi des lecteurs à l’espérance portée par Pâques et la résurrection. Il ne s’agit pas de retourner en arrière vers le temps où jésus de Nazareth marchait sur cette terre. Les textes bibliques n’envisagent pas les retours vers le passé :

  •  Abraham va de l’avant, il ne retourne pas chez son père. 
  • Moïse conduit le peuple hébreu hors d’Egypte vers une terre promise. 
  • Lorsque des hommes et des femmes ont reçu une parole de Jésus de Nazareth, ils le suivent et s’ils rentrent chez eux, c’est pour une vie renouvelée, nouvelle, vers un avenir libéré des résignations et des esclavages dont le souvenir – esclavages, résignations et libération – les portera et les enseignera.

Il est justement question de ce nouveau dans ce passage de l’Apocalypse : Voici, je fais du nouveau dit celui qui est assis sur le trône. Oui, il s’agit d’avenir, qui n’est alors ni conformé au présent éprouvant qui pourrait sidérer et soumettre les vivants, ni conformé au passé souvent idéalisé.
Le sens, la signification de l’avenir, de la vie à venir, est proclamée par la voix forte : La demeure de Dieu est avec les humains. Mais l’avenir n’est pas déconnecté du présent, il ne commence pas à un autre moment que dans le présent. Ce que dessine la vision est alors à la fois réalité et promesse, et l’affirmation du visionnaire oriente l’existence des croyants dès maintenant, le maintenant de qui le lit et le reçoit.
La demeure de Dieu est avec les humains. Avec un autre vocabulaire, celui des évangiles, nous pouvons entendre parler là du Royaume de Dieu, déjà là, ainsi que l’annonçait Jésus de Nazareth, et encore à venir.
A travers les symboles de la littérature apocalyptique, le texte déplie une compréhension existentielle de la demeure de Dieu avec nous, un avec nous incarné par Jésus l’Emmanuel. Cette compréhension de l’existence nouvelle, que nous avons à incarner, c’est également d’être avec, surtout pas soi tout seul-avec Dieu, mais soi-avec les autres.
Ainsi la liste des personnes du verset 8 désignent ceux qui ont des relations sans égard envers autrui, des relations qui déconsidèrent et instrumentalisent l’autre. Ce sont des manières de vivre sans Dieu qui correspondent à une seconde mort, c’est à dire une mort existentielle. La promesse et la réalité de la terre nouvelle conduisent à ne plus considérer le monde ni autrui comme une possession dont on peut user et abuser. Elles engagent à ne pas regarder autrui comme une menace ou un ennemi, ce qui nous plongerait dans une angoisse permanente.
La demeure de Dieu avec nous, le royaume vient lorsque nous rejetons ce qui cause blessures, murs de séparation, paroles et actes de division. Lorsque nous reconnaissons autrui avec gratitude et fraternité. Lorsque nous portons attention et prenons soin les uns des autres au lieu de stigmatiser. Lorsque nous encourageons, lorsque nous apportons apaisement au lieu d’alimenter les angoisses et les peurs. Lorsque notre existence s’ouvre à l’altérité au lieu de se replier, se recroqueviller sur elle-même.
L’avenir que dessine la vision de l’Apocalypse, c’est un avenir avec les autres. Un avenir qui commence dès maintenant avec les autres, dans notre manière de penser et de vivre. Cet avenir pousse déjà dans le présent, il pousse le présent, il l’oriente déjà, depuis l’oracle d’Ézéchiel et de bien d’autres textes bibliques repris ici par Jean de Patmos : ils seront mon peuple et je serai leur Dieu, depuis l’Emmanuel de l’évangile de Matthieu, depuis le matin de la résurrection, depuis l’aube de nos résurrections particulières. 

Alors dans ce temps étrange, dans cette crise que nous avons à affronter, à supporter et à traverser, puissions-nous rester orientés, pour nos existences, pour le monde à venir par cette promesse déjà là, orientés par cette dynamique déjà à l’œuvre en nous et parmi nous.
Puissions-nous, malgré le confinement de nos personnes, garder cette ouverture de l’esprit, du cœur, de l’âme, aux autres, aujourd’hui et demain. 

Prière d’intercession

Là où notre regard ne porte pas, nous allons dans la prière

Là où des personnes malades souffrent, là où elles restent sans visite ;

Là où d’autres personnes les soignent, de toute leurs forces, avec tout leur dévouement ;

Là où des personnes s’inquiètent de leurs proches à l’hôpital 

Là où des personnes pleurent de la mort d’un être cher sans pouvoir pleurer avec d’autres.

Là, nous allons dans la prière, pour les confier tous à ton amour, et toi notre Dieu, tu es déjà là, avec eux.

Là où nos pas ne peuvent nous porter, nous allons dans la prière

Là où nos familles, nos amis sont confinés, là où des personnes se retrouvent affreusement isolées

Là où certains s’impatientent, ou d’autres inventent comment tenir bon

Là où certains sont envahis d’angoisse, là où des personnes persévèrent dans la solidarité

Là, nous allons dans la prière, pour les confier tous à ta bonté, et toi notre Dieu, tu es déjà là, avec eux.

Là où nous sommes, nous nous tournons vers toi dans la prière

Pour ouvrir notre être à ce que tu fais monter en nous de paix intérieure, de courage et de confiance

Pour recevoir de toi la grâce qui fera de nous des êtres de bénédiction pour ceux qui sont près de nous et pour ceux qui sont à distance.

Amen