Prédication du 28 mars 2024

Culte du Jeudi Saint

d’Agnès Adeline-Schaeffer

Lecture : Marc 14, 22-25

Lecture biblique

Marc 14, 22-25

22 Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain, et après avoir dit la bénédiction, il le rompit et le leur donna en disant : Prenez, ceci est mon corps. 
23 Il prit ensuite une coupe, et après avoir rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. 
24 Et il leur dit : Ceci est mon sang (le sang) de l’alliance, qui est répandu pour beaucoup. 
25 En vérité, je vous le dis, je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’au jour où j’en boirai du nouveau, dans le royaume de Dieu.

Prédication

On a dit que Jésus passait beaucoup de temps à table. Toutes les occasions étaient bonnes pour lui pour partager un repas, avec quelqu’un, quel qu’il soit. C’était un temps de communion. Rien d’étonnant que le dernier geste que Jésus laisse à ses disciples soit posé dans le cadre d’un repas.  Un repas comme celui que nous prenons chaque jour, parce que manger et boire, c’est tout simplement nécessaire pour rester en vie.

Se retrouver pour partager un repas, il n’y a rien de plus simple. Qu’il soit copieux ou frugal, c’est important de s’asseoir autour d’une table, choisir la nappe, mettre le couvert, disposer les assiettes, arranger les ingrédients dans les plats et sur la table, allumer les bougies.

Ce soir-là, il ne faut rien oublier du rituel de la fête la Pâque, car c’est le moment unique pour se rappeler des ancêtres qui sont partis précipitamment, quittant enfin le pays de l’esclavage pour celui de la liberté. Il ne fallait pas trainer. Un peu de pain, sans levain. Dans la besace, vite, et partir sans se retourner.

Et marcher droit devant, jusqu’à la terre promise, jusqu’à la terre de la vie.

Ce soir-là, Jésus et ses disciples font mémoire de cet événement fondateur. Ils se souviennent du passé, selon la prescription de Moïse (Exode 12), tout en l’actualisant pour eux-mêmes. Comme chaque année, et comme pour chacun des membres du peuple juif, c’est eux-mêmes qui sont en train de sortir d’Égypte. Mais ce soir-là, ce repas prend une dimension nouvelle.
La veille de mourir, Jésus laisse à ses disciples ces paroles étranges : « Prenez, ceci est mon corps, prenez, buvez, ceci est mon sang, le sang de l’alliance, versé pour la multitude ».
L’alliance autrefois scellée sur le mont Sinaï avec Dieu, par l’intermédiaire de Moïse s’accomplit ici pour toujours.  Et lorsque Jésus prend le pain, puis le vin, il commence par les mots de la bénédiction rituelle et il actualise cette bénédiction. À ce pain et ce vin partagés, Jésus donne une nouvelle signification. Non seulement ce repas rappelle la libération d’Égypte, mais cette libération se prolonge par ce pain, symbole de son corps, et par ce vin, symbole de son sang, autrement dit, symboles de sa vie tout entière, donnée pour un nouveau chemin de libération, symbole d’une vie donnée en abondance. Mais pour le moment, les disciples ne le savent pas encore.

Demain, Jésus mourra. Chacun pensera que tout est fini. Il ne sera plus jamais avec eux comme avant, mais il sera avec eux autrement.
Ce soir-là, ces paroles étranges sont restées au seuil de la vie de chaque disciple.

Par la suite, chacun s’est rappelé, et a compris que Jésus tissait un ultime geste qui le relierait à lui et ce, pour toujours, un geste à ne pas oublier, un geste à transmettre. Un geste simple, un geste de tous les jours.
Au milieu de toutes les zones d’ombres de nos vies personnelles, de nos vies en société ou de nos vies en église, voilà qu’à travers ce geste du pain et du vin partagés, est transmis un rai de lumière, une lumière fugitive, image presque éphémère de la vie à la veille de disparaître.

Quelle que soit la signification que les différentes églises donneront à ce geste, il reste quoiqu’il en soit un geste tout simple du partage du pain quotidien entre les hommes, un geste du partage de l’amour du Christ donné à la multitude des hommes affamés de tendresse et de compassion.

Ce soir-là, comme Jésus s’est assis avec ses disciples, de la même façon c’est avec nous que Jésus prend le temps de s’asseoir. Nous partageons aujourd’hui ce repas, en sa présence invisible, et il s’agit pour chacun, chacune d’entre nous, là où nous en sommes sur notre chemin, de vivre en même temps l’absence du Christ, en signifiant sa présence par le pain et le vin, pris en communion, en commune union. Et ainsi d’être unis à la multitude des êtres humains. Dans ce geste, nous témoignons de notre confiance passée, présente et à venir, pour le monde à venir, pour une fraternité sans cesse à construire, posée sur un amour plus fort que la mort. La Cène, c’est une autre façon d’entendre l’Evangile.