Prédication du 7 novembre 2021

Culte-cantate de novembre

de Dominique Hernandez

Bonne nouvelle pour tous !

Lecture : Apocalypse 14, 6-8

Lecture biblique

Apocalypse 14, 6-8

6 Je vis un autre ange qui volait au milieu du ciel ; il avait une bonne nouvelle éternelle à annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, tribu, langue et peuple. 
7 Il disait d’une voix forte : Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l’heure de son jugement est venue, et prosternez-vous devant celui qui a fait le ciel, la terre, la mer et les sources d’eaux ! 

8 Suivit un autre ange, un deuxième, qui disait : Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la Grande, elle qui a fait boire à toutes les nations du vin de la fureur de sa prostitution !

Prédication

Sur ce texte de l’Apocalypse, une cantate de louange, un élan de joie, un merci qui monte au ciel de la plus belle des manières… Louange au Dieu qui donne de grands biens : la joie, la paix, la grâce ; qui fait de grandes choses : le salut ; Dieu toujours bon ; Dieu fidèle.

Il faut entrer avec délicatesse dans le livre de l’Apocalypse pour ne pas piétiner et écraser sa profondeur, ses échos, ses ouvertures. En se souvenant à chaque page, et pour ces trois versets, que le livre de l’Apocalypse n’est pas une prédiction de la fin du monde, qu’il renferme bien plus de versets de joie de consolation et de louange que de versets parlant de catastrophes (pourquoi donc est-ce seulement ces versets qui ont été retenus sinon par cette étrange complaisance des humains envers ce qui conforte leurs angoisses dans les tourments de leur temps ?).
Lire l’Apocalypse en se souvenant que le littéralisme n’est jamais la juste manière d’aborder les textes bibliques, que les déchaînements de l’imagination ne révèlent que ce qui habite déjà celui qui s’y laisse aller, et que le langage symbolique du livre de la Révélation, ce que signifie son nom, est à comprendre dans la continuité de l’apocalyptique juive, grâce aux connaissances historiques du tournant entre le premier et le deuxième siècle, et surtout qu’il est à interpréter selon la bonne nouvelle, selon l’Évangile puisque le mot évangile signifie bonne nouvelle.
Justement il est question de bonne nouvelle dans ces trois versets, une bonne nouvelle, un Évangile qui vient, et c’est bien la raison d’être du livre de l’Apocalypse : l’annonce de la bonne nouvelle, bonne nouvelle d’un événement déjà accompli mais qui vient encore comme un événement nouveau et c’est Pâques : résurrection du Christ c’est-à-dire surgissement de vie là où personne ne l’attendait.
Cette bonne nouvelle Évangile est à destination de la terre entière, de tous : toute nation, tribu, langue, peuple. Il n’y a pas d’exclus, personne n’est rejeté, la destination est universelle.
Craignez Dieu et donnez-lui gloire : c’est cela qu’exprime la cantate. Craignez Dieu ne signifie pas dans la Bible ayez peur de lui, mais respectez-le comme Dieu, prenez conscience qu’il n’est pas manipulable, tenez-vous à votre place d’humain, ne vous prenez pas pour Dieu et ne le prenez pas pour vous-même pas pour un super-humain.
Le jugement est la révélation de chacun placé devant la croix vide et la lumière de Pâques, lumière qui interprète chaque existence non pas en comptabilisant les qualités et les défauts, les actes et les discours, mais en faisant passer en chacun la puissance du surgissement de la vie.
C’est pourquoi Babylone est tombée, par ce jugement. Il ne s’agit pas de la ville de Babylone, ni de la prédiction de la chute de Rome qui n’interviendra que trois siècles plus tard. Babylone, ce n’est pas non plus les hommes les femmes et les enfants qui y habiteraient et seraient anéantis par la chute de la ville. Babylone dans le livre de l’Apocalypse, c’est une idéologie qui s’impose comme la seule interprétation du monde et pour dicter la manière d’y vivre.
Babylone, c’est une idéologie qui prétend prendre la place de Dieu en s’imposant à tous comme s’il n’y avait pas d’alternative, en exigeant la soumission sous peine de répression, en promettant des récompenses, mais sans se soucier de la vie des vivants. Pour le visionnaire de l’Apocalypse, Babylone représente l’idéologie impériale romaine alors à son apogée. Pour le lecteur d’aujourd’hui, Babylone représente toute idéologie destructrice de l’humanité des humains et de l’humanité en général, alors même qu’elle apparaît comme triomphante. Et en une phrase, l’auteur dénonce à travers le vin de la fureur de sa prostitution un système par-dessus tout marchand, générateur d’illusions et de violence.
Babylone n’est pas Dieu : elle ne donne pas de vivre, elle marchande en toute partialité et sous condition. Babylone ne procure pas la paix véritable, mais entre menace et sidération, elle ouvre la voie à l’indifférence et au désespoir. Babylone ne fait pas grâce, elle fait payer ; elle ne sauve pas, elle angoisse autant qu’elle exploite.
Babylone est tombée car la bonne nouvelle qui est le jugement la révèle pour ce qu’elle est : une idole, un système mortifère et totalitaire, même si certains s’en sortent très bien ou assez bien.

Craignez Dieu et rendez-lui gloire chantent l’ange et la cantate : la transcendance que nous nommons ici Dieu n’a pas besoin d’exercer un pouvoir et même le refuse. Son témoin en est un Agneau, symbole de douceur et de faiblesse, Agneau vivant malgré la mort. Car la puissance de Dieu est de faire surgir la vie et que les vivants soient véritablement vivants et pas survivants.
La bonne nouvelle, c’est que la réalité peut être interprétée autrement que selon Babylone, selon le discours et la force de Babylone. Au-delà de l’apparence et de l’immédiateté, à partir de l’Agneau le Christ vivant, à partir de la foi, une autre interprétation, une autre compréhension du monde est possible, sans se retirer du monde, au contraire, en s’y engageant au nom de l’Évangile.
La bonne nouvelle, c’est que l’existence de chacun ne s’inscrit ni en concurrence ni en profit ni en récompense, mais en liberté, en responsabilité, et en gratitude.

C’est ce que célèbre la cantate, une proclamation de la gloire de Dieu qui donne vie, grâce et paix et une résistance face à toutes les Babylones de l’histoire de l’humanité. C’est pourquoi c’est une cantate pour le jour de la Réformation, car proclamer et résister, c’est protester d’une protestation qui est louange et engagement, ce à quoi aujourd’hui l’Évangile nous invite et Dieu nous espère.