Prédication du 14 avril 2022

Jeudi Saint

d’Agnès Adeline-Schaeffer

La communion dans l’adversité

Lecture : Luc 22, 7-23

Lecture biblique

Luc 22, 7-23

7 Le jour des Pains sans levain, où l’on devait sacrifier la Pâque, arriva. 
8 Jésus envoya Pierre et Jean, en disant : Allez nous préparer la Pâque, pour que nous la mangions. 
9 Ils lui dirent : Où veux-tu que nous la préparions ? 
10 Il leur répondit : Quand vous serez entrés dans la ville, un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre ; suivez-le dans la maison où il entrera, 
11 et vous direz au maître de maison : Le maître te dit : « Où est la salle où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? » 
12 Il vous montrera une grande chambre à l’étage, aménagée : c’est là que vous ferez les préparatifs. 
13 Ils partirent, trouvèrent les choses comme il leur avait dit et préparèrent la Pâque.

14 L’heure venue, il se mit à table, et les apôtres avec lui. 
15 Il leur dit : J’ai vivement désiré manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir, 
16 car, je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. 
17 Il prit une coupe, rendit grâce et dit : Prenez ceci et partagez-le entre vous ; 
18 car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne jusqu’à ce que vienne le règne de Dieu.

19 Puis il prit du pain ; après avoir rendu grâce, il le rompit et le leur donna en disant : C’est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. 
20 Il fit de même avec la coupe, après le dîner, en disant : Cette coupe est l’alliance nouvelle en mon sang, qui est répandu pour vous.

21 Pourtant, celui qui me livre est à cette table, avec moi. 
22 Le Fils de l’homme s’en va, selon ce qui est arrêté ; mais quel malheur pour cet homme par qui il est livré ! 
23 Et ils commencèrent à débattre pour savoir lequel d’entre eux pourrait bien faire une chose pareille.

Prédication

Ce soir, Jésus et ses disciples se réunissent pour partager le repas de la Pâque. Il s’est passé plusieurs jours depuis que Jésus est entrée à Jérusalem. Il s’est passé beaucoup de choses, les journées ont été bien remplies par les différents enseignements de Jésus, suivis par une foule extrêmement attentive, qui l’écoute dès les premières lueurs du jour. Jésus dérange par ses propos, ses paraboles, ses exemples de plus en plus précis.  Les chefs de prêtres et les maitres de la Loi se sentent attaqués, leurs pratiques religieuses semblent être disqualifiées, par ce prophète au comportement étrange. Jésus les dérange de plus en plus et ils cherchent un moyen de le mettre à mort. Judas, l’un des douze prend contact avec les chefs des prêtres et les gardes du Temple. Il se met d’accord avec eux pour leur livrer Jésus. L’étau de l’arrestation se resserre autour de Jésus. Le temps est à l’adversité.
Jésus fait organiser un moment de communion, par Pierre et Jean. C’est un moment important de la pratique religieuse, pour Jésus comme pour ses disciples. Ce repas, pris normalement en famille, marquait, et marque encore, le souvenir de la libération d’Egypte. Le livre de l’Exode le mentionne ainsi : « Ce jour sera pour vous un souvenir. Vous le célébrerez comme une prescription perpétuelle à chaque génération ».  (Ex 12, 3-9). Comme l’indique la Haggadah de Pâques, autrement dit, le rituel de la pâque juive : « En toute génération, c’est une dette pour l‘homme de se voir comme si lui-même était sorti d’Egypte. Car il est dit : « Tu raconteras à ton fils, en ce jour-là, disant : En vue de tout ceci, le Seigneur agit pour moi quand je sortis d’Egypte. Non point nos pères seulement, il les sauva, mais nous-mêmes, en eux, il nous sauva !
C’est pourquoi la dette est sur nous de remercier, de louer, de célébrer, de hausser, d’exalter, de magnifier, de glorifier et de bénir celui qui fit pour nos pères et pour nous tous ces signes : il nous tira de la servitude vers la liberté, de la détresse vers la joie, du deuil vers la fête, des ténèbres vers la grande lumière et de l’oppression vers l’affranchissement ».
Jésus exprime son désir ardent de prendre ce repas avec ses disciples par une insistance dans le texte biblique :
« J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ».
L’accent est mis sur l’intensité des sentiments de Jésus alors que s’approche l’heure décisive de l’épreuve.
Au cours de ce repas, Jésus fait une déclaration : il ne prendra plus cette Pâque jusqu’à ce que son sens soit pleinement réalisé, dans le Royaume de Dieu. Jésus établit un lien entre le mémorial de la libération racontée dans le livre de l’Exode et le salut comme libération définitive.
Tous les disciples sont là. Judas, Pierre, Jean et les neuf autres.  Quelle que soit la divergence des pensées qui traversent les esprits des uns et des autres, tous sont là et écoutent, reçoivent ces paroles de Jésus. Ils partagent ensemble la première coupe de vin. Puis ils partagent le pain. Puis à nouveau une autre coupe de vin, rappelant en tout cas deux des quatre coupes de vin, présentes sur la table. Communion au passé, passé actualisé, l’espace d’un instant, le temps d’une parole. C’est le temps de la communion. De la commune union, avant de faire face à l’adversité.
Le pain, c’est mon corps donné pour vous.
Le vin, c’est mon sang versé pour vous.
Luc l’évangéliste, présente ainsi la mort de Jésus comme un don en faveur des siens. C’est la façon dont Luc interprète les souffrances et la mort du Christ, tout il interprètera par la suite, la résurrection du Christ.
Le pain, c’est mon corps donné pour vous.
Le vin, c’est mon sang versé pour vous.
Corps et sang, c’est la totalité de la vie qui est donnée à chacun des disciples. Vie donnée pour être reçue, le moment venu, en abondance, par qui voudra bien l’accepter. 

Ce soir, nous sommes réunis pour nous souvenir de ce repas pris par Jésus avec ses disciples. Il se passe beaucoup de choses dans nos vies, jour après jour. Notre quotidien est ponctué de choses bonnes, de belles rencontres, de découvertes joyeuses, d’engagements vivifiants, mais également d’épreuves, de solitudes, de déceptions, de questionnements, de découragements, d’impuissances, de décisions à prendre, de renoncements peut-être. C’est notre temps de l’adversité. Nous nous préparons chacun, chacune à notre manière à la fête de Pâques. Nous recevons ces paroles de Jésus : « le pain c’est mon corps donné pour vous, le vin c’est mon sang versé pour vous ». Nous sommes réunis dans un même lieu, et nous sommes en communion, en commune union les uns avec les autres, rassemblés par une Parole reçue au cœur de notre diversité humaine et spirituelle.
L’essentiel est de prendre conscience comment ces mots, cette Parole, résonnent en chacun, chacune de nous. En prenant place dans un instant, autour de la table, dite justement, de communion, nous nous rappelons comment Jésus a donné sa vie pas seulement de façon ultime, au moment de sa mort, mais comment il s’est donné pour tous, pour toutes, sans condition, tout au long de son ministère. Il nous laisse comme signes ultimes de sa présence, un peu de pain et un peu de vin à partager, mais aussi et surtout, sa Parole et son enseignement à faire nôtres.
Par ce partage, malgré l’adversité qu’il nous faut souvent subir, il nous donne aussi la force de rester en communion, il renouvelle notre volonté de rester en communion, avec lui, mais aussi avec le Dieu de notre foi, de notre recherche, et surtout, de rester en communion, les uns avec les autres, et de donner notre vie le moment venu, de partager la vie en abondance qu’il nous donne, simplement par notre service partagé et notre témoignage de foi.