Prédication du 18 septembre 2022

Culte de rentrée

de Dominique Hernandez

En chemin

Aujourd’hui, notre méditation portera sur les trois textes que Suzanne, Églantine et Alexandre ont choisi pour leur confirmation.

Lectures bibliques

Psaumes 119, 105

105 Ta parole est une lampe pour mes pieds, une lumière pour mon sentier.

1 Samuel 17, 38-40

38 Saül revêtit David de ses propres habits ; il plaça sur sa tête un casque de bronze et le revêtit d’une cuirasse. 
39 David mit l’épée de Saül à sa ceinture, par-dessus ses habits, et il essaya vainement de marcher : il n’était pas entraîné. Il dit alors à Saül : Je ne peux pas marcher avec tout cela, car je ne suis pas entraîné. David s’en débarrassa 
40 et prit son bâton, se choisit cinq pierres polies dans l’oued et les mit dans son sac de berger, dans sa besace. Puis, sa fronde à la main, il s’avança vers le Philis tin.

Luc 10, 30-35

30 Jésus reprit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba aux mains de bandits qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s’en allèrent en le laissant à demi-mort. 
31 Par hasard, un prêtre descendait par le même chemin ; il le vit et passa à distance. 
32 Un lévite arriva de même à cet endroit ; il le vit et passa à distance. 
33 Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut ému lorsqu’il le vit. 
34 Il s’approcha et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le plaça sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui. 
35 Le lendemain, il sortit deux deniers, les donna à l’hôtelier et dit : « Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai moi-même à mon retour. »

Prédication

Ces trois textes présentent un thème commun : ils parlent ou évoquent le chemin. Cela est d’autant plus intéressant que les enfants de l’école biblique avanceront cette année avec le thème du voyage. Le chemin, et aussi le voyage, c’est une image très ancienne et très commune pour parler de l’existence, de la vie de chacun. Vivre ce n’est pas rester dans un sur-place permanent, c’est avancer, et pas seulement en âge.
Ce jour représente une étape sur le chemin de Suzanne, celui d’Alexandre et celui d’Églantine. Leur confirmation est l’occasion pour eux de regarder un peu en arrière le chemin déjà parcouru et de regarder en avant, celui à venir. Et même si personne ne peut prédire ce que sera leur chemin, ni le chemin de quiconque, ils ont tous les trois exprimé quelque chose d’important, qui va les aider, les accompagner, quelque chose qu’ils ont reçu pendant leurs années d’école biblique et de catéchisme, parce que leurs parents, leur famille, et nous ici en Église avons voulu et voulons encore les encourager, les renseigner, les accompagner sur leur route et leur faire part de ce qui est important et même essentiel pour avancer.
Suzanne a parlé de lumière, Églantine a parlé de sentir bien et Alexandre de bienveillance. Nous avons tous besoin de cela pour avancer, êtres de marche, de chemin, de route, de sentiers que nous sommes.
Nous avons besoin de lumière parce la lumière guide et rassure, comme l’a dit Suzanne, parce que marcher dans l’obscurité est un bon moyen de se cogner, de tomber et de se décourager.
Nous avons besoin de nous sentir bien, c’est-à-dire de ne pas nous sentir jugés comme l’a dit Églantine, ni jugé ni condamné ni puni pour ce que nous sommes, mais accueillis, acceptés tels que nous sommes, car sinon comment imaginer, essayer, oser, se lancer, et alors à quoi bon marcher, à quoi bon être vivant ?
Nous avons besoin de bienveillance comme l’a dit Alexandre, c’est-à-dire de regards, de paroles, de gestes d’attention et de reconnaissance, et cela gratuitement, sans avoir à les payer d’une manière ou d’une autre ce qui contraint et enferme et nous empêche d’avancer librement sur notre chemin.

Ce qui fait lumière pour le Samaritain de la parabole, c’est la compassion, c’est-à-dire littéralement dans le texte une agitation des entrailles, un bouleversement intérieur, un NON viscéral à ce qui peut briser et tuer un autre humain et un Oui tout aussi viscéral à cette personne en danger. Alors que le prêtre et le lévite sont passé à distance, alors qu’ils ont fait un détour pour s’écarter de l’homme blessé, parce qu’ils sont enfermés dans un carcan de règles et d’obligations qui compriment tellement leurs entrailles qu’elles ne peuvent même plus s’agiter dans leur corps. Le prêtre et le lévite sont les représentants de celles et ceux qui se préoccupent plus d’être en règle que de devenir humains. Jésus de Nazareth qui raconte cette parabole est venu renouveler et faire part de cette humanité en chemin vers l’autre.
Ce qui fait lumière pour David apparaît dans l’obscurité, lorsque le garçon se sent écrasé par le poids de l’armure du roi Saül, lui n’est encore qu’un adolescent, lui qui n’est ni soldat ni roi mais seulement berger. Pour faire face à l’épreuve, faire face à l’adversaire même aussi impressionnant que le géant Goliath, David ne veut pas, ne peut pas marcher dans cette armure. Même si cela part d’un bon sentiment de Saül qui cherche à protéger et armer David au mieux, David veut avancer tel qu’il est : en jeune berger. Parce que tel qu’il est, avec ses faibles forces et son ignorance des armes, il fait confiance à l’Éternel qui lui fait confiance et là est la lumière pour David. Pas besoin de faire comme s’il était un guerrier, il veut se sentir bien lui-même en ce temps d’épreuve. Dans les habits, les chaussures d’un autre, on ne se sent pas bien. Si l’on endosse de gré ou de force les souhaits, les ambitions, les rêves, les manières, la vie d’un autre, on ne se sent pas bien. Ce qui fait se sentir bien, c’est la confiance reçue personnellement, la confiance qui donne du courage et la paix dans le cœur, et la capacité à avancer sur son chemin, même dans les difficultés. 

Alors pour marcher face à Goliath, David prend son bâton et sa fronde : son équipement de berger. Il n’a plus qu’à trouver les pierres pour la fronde. Cinq pierres.
Alors là, ce n’est pas compliqué : quand un auteur biblique écrit le chiffre cinq, c’est qu’il fait référence à la Torah, aux cinq livres qui constituent la Torah, c’est-à-dire l’enseignement, le chemin indiquant comment être vivant en humain, humain de parole, un humain qui parle d’une parole fiable, un humain selon la Parole de Dieu. David ne se confie pas dans l’épée de Saül, mais dans la Parole de Dieu, celle qui est lumière et lampe pour le chemin.
Nous revenons au psaume 119 qui est le plus long du livre des psaumes. Il comporte 176 versets, c’est le plus long chapitre de la Bible et il est tout entier consacré à une méditation sur la Loi de Dieu, Torah, la Loi comme enseignement, la Loi comme chemin de vie. La Loi non comme parole d’ordres, d’obligations et d’exigences, mais la Loi comme parole de promesse, de libération, de bénédiction, de grâce : la voie de la vie. Les deux versets précédents celui que Suzanne a choisi désignent la Parole de Dieu comme étant du miel doux à la gorge et il y est aussi écrit qu’elle rend intelligent. Il n’est bien sûr pas question de QI ni de classement, mais d’une compréhension de soi, des autres, du monde à la lumière de Dieu qui est Dieu des vivants.
Il y a d’autres lumières venant d’autres sources, d’autres lois, par exemple la loi du profit, la loi de la concurrence, la loi du plus fort, la loi des règles comme celle qui éclaire le détour du prêtre et du lévite dans la parabole du samaritain. Le prêtre et le lévite laissent l’homme blessé se sentir à demi-mort, se sentir en train de mourir. Eux se sentent en règle, ce qui n’est pas se sentir vivant, alors que le samaritain lui se sent concerné par l’homme blessé jusqu’à se faire son prochain. Jésus raconte cette parabole lors d’un dialogue avec un spécialiste de la Loi qui comprend alors, chemin faisant, au long des questions et des réponses, quel est le sens de la Loi, quel est l’esprit qui fait de la Loi un chemin de vie. Le détour par la parabole du samaritain en voyage pose sur l’existence une lumière de gratuité et de gratitude et dessine un monde de prochains et de compassion. En reprenant la figure du jeune David nous pourrions dire un monde non de guerriers armés mais de bergers confiants qui suffisent pour faire face au mal.

À cette lumière venue dans le monde pour le rendre humain et vivable et pour que nous y marchions en humains vivants,
à cette lumière dans laquelle nous nous sentons bien, accueillis, reconnus, aimés, et qui nous illumine de dignité et d’une valeur précieuse,
à cette lumière bienveillante en chacune des étapes de l’existence, et qui nous réunit en solidarité, en communion les uns avec les autres et avec elle,
nous vous remettons, Églantine, Alexandre, Suzanne, et tous les enfants, et les uns et les autres
avec confiance, avec reconnaissance, avec espérance.