Prédication du 13 octobre 2019

L’Eternel est mon berger
Baptême de Léon et Charlie

de Dominique Hernandez

Lectures : Psaume 23

Baptême de Léon et Charlie

Lectures

Psaume 23

L’Eternel est mon berger

1 Psaume de David.
L’Éternel est mon berger : je ne manquerai de rien.

2 Il me fait reposer dans de verts pâturages,
Il me dirige près des eaux paisibles.

3 Il restaure mon âme,
Il me conduit dans les sentiers de la justice, A cause de son nom.

4 Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort,
Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi :
Ta houlette et ton bâton, voilà mon réconfort.

5 Tu dresses devant moi une table,
En face de mes adversaires ;
Tu oins d’huile ma tête, Et ma coupe déborde.

6 Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront
Tous les jours de ma vie,
Et je reviendrai dans la maison de l’Éternel
Pour la durée de mes jours.

Prédication

Pour le baptême de vos enfants, vous avez choisi, Anne et Édouard, un des psaumes les plus connus de la Bible, un psaume qui nourrit particulièrement la foi, qui accompagne les jours heureux comme les jours sombres. Un psaume qui parle de Dieu, le berger, et de l’humain…mouton ou brebis ? Lorsqu’il est question de berger dans la Bible, le troupeau est un troupeau de moutons ou de brebis : cela dépend des traductions, moutons ou brebis. Mais les deux termes n’éveillent pas les mêmes images, même pour des citadins du XXI°s. Les brebis sont assez sympathiques, elles évoquent une certaine utilité : yaourt ou fromage. Les moutons sont moins appréciés : instinct grégaire, animaux facilement effrayés, sans identité personnelle… Le masculin ou le féminin de l’espèce ne sont pas équivalents dans les esprits. Alors moutons ou brebis ? Comment vous sentez-vous ? et que souhaiterons-nous à Léon et à Charlie ?

Le psalmiste, qui parle, qui prie, se sent dans un troupeau.
Et c’est vrai que les humains vivent en troupeaux, en groupe, en ensemble, des familles, des clans. C’est à la fois rassurant et insupportable :

  • rassurant de ne pas être isolés, abandonnés, et d’être relié à d’autres
  • insupportable parce que chacun aspire à sortir du lot, sortir du troupeau et de sa conformité mais l’on voit bien aussi comment la célébrité dans nos sociétés n’est souvent pas autre chose qu’un avatar « moutonnesque » de plus. Insupportable parce qu’autant certaines de nos transhumances sont bien, trop, réglées, comme les transhumances estivales, autant d’autres ne sont qu’errances forcées, fuites dangereuses voire mortelles. Et puis qui est le berger ? Qui, qu’est-ce qui guide ? Le berger n’est pas toujours bien repérable et identifiable.

Nous pouvons souhaiter à Léon et Charlie, quand ils auront un peu grandi, de confier leur existence à un berger qui prenne soin d’eux, qui ne les exploite pas, qui les connaisse chacun par leur nom et tels qu’ils sont.

L’Éternel est mon berger. Celui qui le dit le dit en son nom propre, pour lui-même. Ce n’est pas une affirmation globale, générale, mais la parole d’une personne qui a conscience de ce qu’elle dit, qui y a réfléchi, qui reconnaît son berger et ce qu’il fait pour elle, qui reconnaît que sa relation au berger lui est nécessaire parce que c’est cette relation-là qui le fait vivre et anime ses autres relations. 

Je ne manquerai de rien, il me fait reposer dans de verts pâturages, il me conduit près des eaux paisibles, il restaure mon âme. Le mot hébreu traduit par âme, c’est littéralement la gorge, par où passe le souffle indispensable à la vie, par où passe la parole aussi. L’âme, c’est le lieu de la vie intérieure, le lieu de la vie spirituelle, le lieu du dialogue avec Dieu. Ce lieu personnel, intime, l’Éternel en prend soin afin qu’il ne se dessèche pas, qu’il ne se rétrécisse pas, qu’il ne soit pas enseveli sous les injonctions, les distractions, les illusions, pâturages épuisés ou torrents tumultueux auprès desquels l’humain livré à lui-même n’aura d’autres avenir qu’une altération, un recroquevillement de sa vitalité et de ses relations. 

Il me dirige sur les sentiers de justice, à cause de son nom. La justice, c’est la notion essentielle des livres de la Bible. Et s’il y a plusieurs sentiers, c’est que la recherche de la justice ne consiste pas en l’application automatique d’une recette donnée à l’avance, mais qu’elle requiert l’attention, le discernement, l’inventivité, selon les circonstances, selon les personnes. Sur ces sentiers, pas des autoroutes, sur ces sentiers étroits et parfois escarpés, la brebis, le mouton, le chercheur a besoin de courage, d’encouragement, de persévérance, d’endurance, d’une âme restaurée.

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. Ta houlette et ton bâton, voilà mon réconfort. Tu dresses devant moi une table, face à mes adversaires. Le psalmiste fait face à la réalité. La mort, chacun y est confronté, celle de proches jusqu’à la sienne. La vallée de l’ombre de la mort, c’est avant la mort, l’ombre de la mort, la peur de la mort. Et cette peur empêche tant d’humains d’être vivant, avant même de mourir. Face à cette réalité de la peur de la mort, tant d’énergie, de talents, de compétences, de richesses, de vies sont vouées, dédiées, sacrifiées. Alors que représentent les quelques mots du psalmiste ? La confiance, seulement la confiance. Rien ne peut altérer, amoindrir, mettre en cause, supprimer ce que le berger est pour sa brebis, son mouton. Il ne s’agit pas pour le mouton ou la brebis d’être fort, fiable, c’est le berger qui ne cède pas. Sa houlette, son bâton, cet « avec moi » exprime la confiance que « l’Éternel est mon berger », solide, sûr.

Tu oins d’huile ma tête et ma coupe déborde. L’onction d’huile signifie une extrême dignité conférée à celui qui la reçoit. Et c’est fait, ce n’est pas à gagner ou à mériter. Ce n’est ni une compétition ni une concurrence entre brebis. Chaque mouton l’a reçue, élevé ainsi à la dignité messianique, comme un christ, devenant ainsi image de Dieu, bénédiction vivante pour d’autres. La bénédiction reçue de Dieu, capacité à aimer, à servir, sagesse au cœur de la folie du monde, disposition à la bonté et à la générosité, la bénédiction déborde vers autrui. C’est ainsi qu’elle se manifeste, non comme un gain personnel mais comme une circulation, un flux dont le mouton, la brebis est le canal, le vecteur, le transmetteur, le témoin.

Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie. Bonheur et grâce ne sont pas une récompense, mais un élan, une source d’énergie renouvelée et abondante. Bonheur et grâce ne représente pas un idéal à atteindre mais un don pour le quotidien des jours. Et je reviendrai dans la maison de l’Éternel pour la durée de mes jours. Je reviendrai ou j’habiterai car l’hébreu permet de rassembler les deux verbes en un seul mot, et ce n’est pas la peine de choisir ! Revenir et habiter, à la fois le mouvement et la plénitude, car l’existence n’est ni immobile ni linéaire, au long des épreuves et des douceurs, dans le courant de ce qui nous porte et de ce qui nous oppresse. Revenir là où l’on est accueilli et recueilli, avec un chant ou un soupir, en conscience et par confiance, nous pouvons le souhaiter pour Charlie et Léon, et pour chacun de nous.

Amen