Prédication du 23 juin 2019

de Christophe Lomon

Melchisedeq

Lecture

Psaume 110

1 De David. Psaume. Parole de l’Éternel à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite, Jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied.
2 L’Éternel étendra de Sion le sceptre de ta puissance : Domine au milieu de tes ennemis !

3 Ton peuple est plein d’ardeur, quand tu rassembles ton armée ; Avec des ornements sacrés, du sein de l’aurore Ta jeunesse vient à toi comme une rosée.
4 L’Éternel l’a juré, et il ne s’en repentira point : Tu es sacrificateur pour toujours, A la manière de Melchisedeq.
5 Le Seigneur, à ta main droite, Brise des rois au jour de sa colère.

6 Il exerce la justice Parmi les nations : tout est plein de cadavres ; Il brise des têtes sur toute l’étendue du pays.
7 Il boit au torrent Pendant la marche : C’est pourquoi il relève la tête. 

Genèse 14, 17-21

17 Après qu’Abram fut revenu vainqueur de Kedorlaomer et des rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome sortit à sa rencontre dans la vallée de Schavé, qui est la vallée du roi.
18 En ces jours-là, Melchisedeq, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était prêtre du Dieu très-haut.
19 Il bénit Abram en disant : « Béni soit Abram par le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre ;
20 et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. »
21 Et Abram lui donna le dixième de tout ce qu’il avait pris. 

Hébreux 6, 17-20

17 C’est pourquoi Dieu, voulant montrer avec plus d’évidence aux héritiers de la promesse l’immutabilité de sa résolution, intervint par un serment,
18 afin que, par deux choses immuables, dans lesquelles il est impossible que Dieu mente, nous trouvions un puissant encouragement, nous dont le seul refuge a été de saisir l’espérance qui nous était proposée.
19 Cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l’âme, sûre et solide ; elle pénètre au-delà du voile,
20 là où Jésus est entré pour nous comme précurseur, ayant été fait souverain sacrificateur pour toujours, selon l’ordre de Melchisedeq.

Prédication

Il y a dans la Bible quelques personnages qui ont une grande postérité depuis l’Ancien jusqu’au Nouveau Testament. Il y a par exemple Rahab, dans le Livre de Josué, cette prostituée qui accueille deux espions dans sa maison à Jéricho et qu’on retrouve ensuite dans la généalogie de Jésus établie par l’évangéliste Matthieu. Elle donna naissance à Boaz, un ancêtre lointain de Jésus. Il y a Salomon, dont le nom est universellement connu pour sa sagesse mais dont on n’a jamais trouvé la moindre trace archéologique jusqu’à ce jour. Il y a encore Melchisedeq, objet de quelques petites lignes dans le Livre de la Genèse, sitôt venu déjà disparu, qui réapparaît et inspirera l’Épître aux Hébreux. 

Les Canonistes de l’Ancien Testament ont pris un grand risque en intégrant si peu de traditions au sujet d’un personnage aussi déterminant que Melchisedeq. On le retrouve dans le Psaume 110, comme « fondateur d’une lignée de Prêtres ou de Sacrificateurs ». Melchisedeq trouve un nouveau succès. Dans un rouleau de Qumran, dans le Leptogenesis ou Livre du Jubilé canonisé dans la Tradition Ethiopienne, mais aussi sous la plume des Pères de l’Église jusqu’à Jean Calvin etc. Il y a de quoi soutenir plusieurs thèses de Doctorat !
Intéressons-nous ce matin à ce dernier et commençons par réentendre ce que la Bible nous en dit :
« 18 Melchisedeq, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin. Il était prêtre du Dieu très-haut.
19 Il bénit Abram en disant : « Qu’Abram soit béni par le Dieu très-haut, le maître du ciel et de la terre !
20 Béni soit le Dieu très-haut qui a livré tes ennemis entre tes mains !» 21 Abram lui donna la dîme de tout. »
Que nous apporte ce petit texte de Genèse, qui évoque des guerres entre nations mais met en scène le surgissement de Melchisedeq, un personnage légendaire ou, à tout le moins, dont on ne sait presque rien. Et il est d’ailleurs étrange que les rédacteurs de la Genèse ou des Psaumes eux-mêmes n’aient pas souhaité en dire plus sur ce personnage au demeurant important.
Étrange est aussi la rencontre de Melchisedeq et d’Abram. Voici un personnage, Melchisedeq qui intervient visiblement depuis le ciel pour aborder Abram, que nous connaissons, lui, mieux : c’est un nomade qui possède nombre de brebis, de boeufs, d’ânes, de serviteurs (trois cent dix-huit de ses plus braves serviteurs) et enfin des servantes, des ânesses, et des chameaux. Un homme riche, qui dispose de beaucoup d’or et d’argent.
Au travers de ces deux seuls personnages et de cette petite scène nous réunissons un roi doublé d’un prêtre d’une part, et un prophète et berger de 75 ans d’autre part.
Vous admettrez avec moi que si le nombre de mots le concernant est faible, la densité de sens est importante. 

Ses titres d’abord :
– roi de Salem, c’est à dire de Jérusalem ou des tribus qui constituent la région, éventuellement souverain de la Capitale réunifiée d’un Royaume qui n’apparaîtra que des centaines d’années plus tard, si on se place dans une perspective supposée historique.
– Il est aussi prêtre du Dieu Très-Haut, un Dieu, un Êl dont on entend parler pour la première fois au singulier après avoir entendu, dans le début de la Genèse, un Elohim au pluriel, créateur du Ciel et de la Terre. Ici ce Êl est décrit comme Maître ou « Possesseur » de la Terre et du Ciel. 

Est-ce que l’on peut spéculer qu’Abram en répondant à l’appel de Dieu (« Lek leka, va pour toi ou va vers toi »), en se déplaçant d’Ur en Chaldée à Canaan se soumet à un Dieu plus local, qui se nommerait El Elyon, le Très-Haut ? Abram change-t-il de Dieu ou lui donne-t-il un nouvel attribut, une fonction supplémentaire, ce qui ne serait pas impossible dans l’antiquité orientale ? 

En effet, dans la longue élaboration des hommes vers l’Unicité de Dieu, les traditions nous livrent des exemples. 

Combien de noms ou d’aspects porte Dieu dans l’ancien Testament : on le connaît sous le nom Elohim (un pluriel), Yahu, le nom imprononçable qui est L’être suprême, Adonaï Le Seigneur, el Sheddai le Puissant, el Roï, Celui qui voit tout. 

Dans l’Islam, religion extrêmement attachée à l’Unicité de Dieu, Allah porte pourtant 99 noms, dont plusieurs sont communs avec des divinités orientales antiques. 

Y aurait-il un élargissement de Dieu à plusieurs nations antagonistes ou formulé autrement, un dieu fédérateur.
Dans le Psaume 110.6, il est ainsi précisé qu’il « exerce la justice parmi les nations ».

Être juste devant Dieu 

Abram répond à ce je crois être la définition du Juste. Être Juste, c’est à la fois résoudre avec justesse une situation et faire preuve et œuvre de Justice en même temps. Abram ne fait pas que répondre aux ordres de Dieu, il prend des initiatives et tente de ne pas humilier ses adversaires. Il ne fait pas que répondre fidèlement aux attentes et aux ordres de Dieu, il se montre équitable avec les humains. En effet, dans le conflit qui opposa Abram et les gens de Lot, Abram se fait Juge et Partie, équitable dans les deux cas : Il postule « Qu’il n’y ait pas de discorde entre nous » Non seulement, il partage le territoire avec son parent, Lot, mais il le laisse même choisir quel côté il va s’approprier. Lot choisit les plaines et Abram les montagnes. Il prend de la hauteur ! Puisque Lot choisit la partie orientale, Abram s’installe la partie occidentale de Canaan. Abram intercède aussi pour que Sodome ne soit pas anéantie au nom des Justes qui y vivraient. 

Que cachent ses différents éléments de Justice si fermement décris ? 

Le règlement en apparence assez facile des conflits, le traitement équitable des prisonniers de guerre, l’aspect raisonnable des réparations de guerre font penser à un Jubilé.
Dans le texte retrouvé à Qumran (IIQMelchizedek), Melchisedeq est chargé justement du Jubilé. Le Jubilé, c’est n’est rien d’autre qu’un règlement pacifique des dettes et la redistribution relative des terres qui intervient à intervalle régulier, de cinquante ans environ. Dieu n’est pas étranger à cette opération. 

Le mystère enveloppe la personne de Melchisedeq, dont les origines, la vie et la fin sont totalement ignorées, qui apparaît un instant pour disparaître tout aussitôt. Tout roi qu’il pourrait être, certainement de Jérusalem, il n’offre pas les caractéristiques bibliques de la royauté, souvent décriée pour les injustices commises, les abus de pouvoir et l’adoption de femmes étrangères qui les éloignent du Dieu véritable. Aussi, qu’ils en soient les initiateurs ou les victimes, ils passent leur temps en guerre. Alors que peut figurer ce Roi de Justice et ce Roi de Paix ? Serait-il l’archétype d’un pouvoir bien exercé, selon les lois que Dieu donnerait ? 

Que peuvent bien faire ensemble un roi guerrier mais magnanime avec ses ennemis défaits, doublé d’un prêtre et sacrificateur face à un berger qui paît ses troupeaux 

D’abord, il nous faut remarquer que ces deux hommes réunissent les fonctions tripartites indo-européennes, une forme d’organisation commune aux sociétés d’origines indo-européennes mise en évidence par Georges Dumézil.

La première fonction, dite fonction sacerdotale, est liée au sacré.
La deuxième fonction, dite fonction guerrière, est liée à la défense du peuple.
La troisième fonction, dite fonction productrice, est liée à la fécondité. 

On retrouvera ce groupe de trois fonctions dans trois divinités autour desquelles s’organisait la religion romaine archaïque. Cette triade était composée de Jupiter, Mars et Quirinus, sa composition correspondant aux trois fonctions indo-européennes.
Jupiter incarnant la souveraineté sacrée, Mars la force guerrière et Quirinus la production et la fécondité selon Dumézil.
Ce vieil homme qui a tout quitté sur un simple ordre de Dieu pour aller vers un pays inconnu se voit béni par un Roi et Prêtre qu’il ne connaît pas… qui n’a ni père ni fils ni descendance, totalement inconnu. Étrange situation pour le moins. 

La rencontre vise à confirmer Abram dans son rôle de prophète et de lui donner une dimension divine. N’oublions pas qu’au travers de ce vieil homme, Abram toutes les nations seront bénies de Dieu. Un universalisme généreux et ouvert, une promesse faite à la terre entière d’accéder à un Dieu qui dépasse les limites d’une tribu et d’un clan.
On reconnaît dans cette ouverture le même geste d’accueil qui sera celui du Christ. Ouvrir une alliance nouvelle en son sang. Non pas par la lignée mais le sens de l’hospitalité.
Que signifie la rencontre de ces deux grands personnages, cette bénédiction, cette offrande faite à Abraham ? Un don qui appelle un contre-don. Cela est très clair dans ce texte. Il y a des nations en guerre entre elles et deux chefs puissants s’entendent pour trouver un compromis. Du pain et du vin comme geste d’accueil et de bienvenue de la part de Melchisedeq, roi de Jérusalem. En contrepartie, Abram, ce chef de tribu s’engage à verser la dîme, le dixième de tout ce qu’il possède. C’est ce qu’on appelle un serment de paix, une alliance. Serment vient d’ailleurs de la même racine que sacrement.
La prosternation devant ce Melchisedeq est un geste de respect mais plus, un geste de soumission à dimension sacrée. Que représente cette onction qu’Abram reçoit de ce Melchisedeq sinon un adoubement ? Le fait de donner la « Dîme de tout » est vraisemblablement la contrepartie d’une protection du roi de Jérusalem.
De l’antiquité à nos jours, les nations ne semblent connaître que les armes pour régler les différends qui les séparent et les opposent.
Dans l’antiquité, le dieu tribal du vainqueur s’imposait même au vaincu. A quoi bon continuer à vénérer une divinité qui n’est pas capable de protéger vos intérêts particuliers !?
Hier encore, on bénissait en Europe les canons et les Allemands s’élançaient au combat au cri de « Gott mit uns », que les batailles soient gagnables ou perdues d’avance. Il semble donc que les humains aient toujours voulu associer Dieu à leur désir de conquête et de puissance. Dans la bible, Dieu est souvent appelé dieu des armées, ‘Yahveh Tsebaoth’. Dans le Psaume 68 que nous avons chanté, l’idée est la même. Dieu est du côté des croyants parce que ‘en lui’ les croyants font le pari d’un nouveau système social basé sur la justice.
Quelle connerie la guerre ! s’exprimait le poète Jacques Prévert. Et avec lui, bien des pacifistes chrétiens… 

Ensuite, ce pain et ce vin, qui nous sont évidemment familier comme partage. Ce sont les deux offrandes apportées par Melchisedeq, comme deux signes de la Justice de Dieu, d’une nouvelle ère qui débute et d’une religion. Melchisedeq et Abram associent Dieu à cette rencontre par un sacrifice non plus de sang, comme il est le plus courant, mais de pain et de vin. S’agit-il d’un changement de civilisation ? De même que l’épisode du sacrifice d’Isaac a pu être lu par des anthropologues comme la fin ou l’interdiction des sacrifices humains, ce changement de mode de sacrifice peut être lu comme une pratique séparée et concurrente. 

Le Nouveau Testament reprendra à son compte cette histoire de Melchisedeq en appuyant ce côté alliance nouvelle dans le sang de Jésus, ultime sacrifice qui nous fait vivre aujourd’hui encore.
Jésus sera roi aux côtés du Père, siégeant à sa droite et jugeant les vivants et les morts.
Dans la statuaire, on retrouve parfois un Christ ceint d’une couronne, non plus faite d’épines mais de métal précieux. Jésus ne fera pas la guerre mais mènera un combat pacifique et non violent.
Jésus sera aussi Grand Prêtre. Il renouvellera cette alliance en son nom, en son corps et en son sang, symboles de la vie et des besoins terrestres comme de la vie céleste et spirituelle.
Il accueillera pour son père ces nouveaux dons en traversant villes et villages et partageant la table d’inconnus qui deviendront pour un grand nombre des disciples. Le repas symbolisé par le pain consistant et le vin qui donne l’ivresse est, même au milieu des plus humbles, un festin mystique et une communion de l’humanité et de Dieu. 

Dans ce psaume, le Messie devient sacrificateur « à la manière de Melchisedeq. L’Épître aux Hébreux parle, elle, d’un ordre. Ordre, au sens d’Ordre religieux…La prêtrise n’est plus réservée aux Lévites qui prennent des tours de garde au Temple mais à tous ceux qui vont rompre après Jésus le pain et le vin. Saint-Augustin et plus tard Luther reprendront cette idée d’une prêtrise non plus héréditaire et même, avec le Réformateur Allemand, ouverte à tous les chrétiens confessant. 

Celui signifie que nous aussi nous appartenons-nous au travers de cette nouvelle alliance à cet Ordre qui nécessiterait un serment. Vous entendez la proximité des deux mots : serment et sacrement.
Or nos sacrements, qui comprennent bien entendu le partage du pain et du vin, la Sainte-Cène, n’exigent de nous qu’une confession de foi, notamment lors de la confirmation ou d’un baptême d’adulte mais aucune prise d’obligation solennelle particulière.

« Toutes les fois » que vous ferez cela en mémoire de moi, dit l’institution de la Cène vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne.
Toutes les fois, c’est à dire qu’il nous revient de renouveler sans cesse cette alliance par une démarche de foi.
Nous devons multiplier le pain et renouveler notre parole donnée en communiant à la même table ouverte.
Et voici pour la troisième fonction selon Dumézil. Nous retrouvons la dimension de fécondité.
Les disciples se multiplient comme des petits pains. 

Notre acceptation de l’invitation, ce oui que nous disons à ce repas de pain, de vin et de parole est le gage de notre volonté de multiplier les pains, de démontrer que notre Ordre, notre église et notre table sont ouverts à tous, sans aucune exception. 

On n’en saura guère plus sur ce qui ressemble à un pacte de paix. Il y a d’abord une chose surprenante.
C’est Melchisedeq qui vient à la rencontre d’Abram et non l’inverse (Gen 14). A priori, on s’attendrait à ce que soit le plus faible qui aille à la rencontre du plus fort. Or, l’apparition soudaine de Melchisedeq ressemble fort à une théophanie, une manifestation de Dieu qui donne à Abram une nouvelle dimension. C’est la conviction de Saint-Ambroise de Milan.
Ce sera donc mon interprétation de ces textes moins historiques qu’ésotériques : la rencontre de ces deux personnages semble indiquer une fusion harmonieuse de toutes les fonctions qui relient le mondain et le spirituel. 

La justesse du coût humain et le règlement juste des conflits : les réparations de Guerre. On sait le rôle combien le Traité de Versailles a pesé sur la frustration allemande et la montée du nazisme.
Au contraire, la voie de réconciliation choisie notamment par l’Afrique du Sud a évité bien des bains de sang. On pourrait prêcher sur la base de ces textes bibliques le règlement du conflit Israélo-Palestinien par une solution à deux États. 

Cesser de regarder son prochain comme un inférieur mais le considérer comme un autre radical. Avoir confiance. Rompre le face-à-face conflictuel ou incestuel au contraire, par ce Tiers qui délibère en nous et libère.
Sommes-nous ici capables de le faire alors que nous disons dans le Notre Père ? « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui sont offensés ». Personnellement, je répondrais que non, que je n’ai pas atteint ce degré de sagesse et d’élévation d’âme. 

Tout au plus, j’essaie de servir Dieu et de répondre à ses appels mais quand j’analyse en détail mon attitude, elle ressemble plutôt à celle de Jonas qui se barre dans la direction opposée de ce que Dieu lui demande. Mais je prie souvent le Notre Père et son « que ta volonté soit faite ! » Oui qu’elle soit faite, mais si possible sans une trop grande participation de ma part !

Abram rencontre Melchisedeq et il se passe quelque chose de nouveau, d’inaccompli, d’irrésolu.
Les Pères de l’Église se sont affrontés et contredits entre eux puisqu’ils ont vu en Melchisedeq la préfiguration du Christ, d’un Jésus Grand Sacrificateur de l’Église, mais cette Église s’est divisée sur la signification de cette fonction. Un prêtre, un sacrificateur, quel en est le rôle précis, faut-il lui réserver une place dominante dans l’Église ?
Et je suis bien conscient de prêcher ici au Foyer de l’Âme, une communauté qui veut se poser des questions. Des questions telles que : qu’est-ce que l’Église, qu’est-ce qu’un chrétien engagé ? Je ne sais pas aujourd’hui ce que vous pensez comme Communauté, mais il y a 30 ans, ce lieu, ces personnes dont je reconnais certains visages s’interrogeaient déjà. Comment faisons-nous ‘église’ ? qu’est ce qui constitue et institue une communauté ?
Les deux premiers sacrements sont le baptême et l’eucharistie. Tous les deux sont liés à ce personnage de Melchisedeq. L’entrée dans la vie chrétienne est une première prêtrise qui ouvre sur la possibilité de témoigner d’un Christ toujours vivant. Partager le pain et vin en mémoire de celui qui est notre Maître nous rapproche un peu plus de ce Melchisedeq. 

Melchisedeq serait le fondateur de toute la prêtrise. Or je sais où je mets les pieds ce matin, cette paroisse veut interroger, questionner cette tradition.
Je viens parler depuis une église, sacramentaire qu’est l’église ‘catholique apostolique’ anglicane. Pour elle, je ne peux être qu’un Laïc, éduqué en théologie, un serviteur qui n’a pas été ordonné « selon l’ordre de Melchisedeq. »
C’est affaire de tradition à laquelle je me soumets, mais si on revient aux textes fondateurs d’une part et à la réalité de l’Église d’aujourd’hui, que constatons nous ? Le mot même fidèle a changé de nature. Il voulait dire hier Croyant, il veut dire disciple aujourd’hui au sens de la discipline. Si vous ne veniez pas ce matin à ce culte divin, ce culte à dieu, quels qu’en en soient le visage et la voix, il ne resterait personne sur ces rangs. 
Le sacerdoce selon l’ordre de Melchisedeq, l’ordination des prêtres, l’installation des Pasteurs, formule ingrate et indigente de la reconnaissance des ministres, tout n’a plus grande importance aujourd’hui. Il n’y a plus de chrétiens au sens communautaire, nous sommes en mode survie.
Que nous reste-t-il de beau, de porteur, de symbolique ?
De l’eau pour baptiser, du vin et du pain à partager.
Cela suffit à nous faire tous rentrer dans un Ordre, l’Ordre de Melchisedeq. 

Amen