Vivant parmi nous

La nouvelle et les premières photos sont arrivées en début de réunion, transmises par l’une de nos jeunes du 5ème étage. Ce soir-là, avec le groupe œcuménique – que depuis quelques mois notre amie JR, pilier laïque et associatif du 11ème , nourrit de son franc-parler et de sa chaleureuse présence – nous commencions à préparer la rencontre inter-religieuse du lundi de Pentecôte – mais comment ne pas penser au grand vaisseau en feu à quelques centaines de mètres, au grand-mât déjà tombé : « Quand on était gosses, avec mes grands-parents, c’était la sortie hebdomadaire  – tu penses, monter en haut des tours, c’était gratuit, et on voyait tout Paname ! ».  Elles sont restées debout, les tours, bien que deux heures plus tard, ayant rejoint la foule silencieuse regroupée dans l’île Saint Louis, un retour de flamme nous ait fait craindre le pire.

Est-ce un hasard si Jean Gimpel, ancien résistant et galeriste comme son père René mort en déportation, consacra quinze ans après la guerre, en pleine période de reconstruction, un livre aux « bâtisseurs de cathédrales »[1] (et à leurs couvreurs, peut-être inventeurs d’un outil particulièrement moderne : la brouette) [2] ?  Certes il faut raison garder, être heureux, très heureux qu’il n’y ait pas eu de pertes humaines dans l’incendie, et il ne faudrait pas que cette triste fumée nous cache l’obscure misère toujours présente dans les rues de Paris. Certes, pas plus qu’aucune autre la cathédrale de Paris n’est la « maison » du Dieu que nous avons en commun, le Dieu de Jésus-Christ présent partout et en tous. Mais dans la nuit du 15 au 16 avril, en avance de quelques jours sur la fête de la Résurrection, Christ vivant parmi nous était à l’œuvre dans les efforts communs et l’éprouvant travail de chaque sapeur-pompier, comme il l’était jadis dans le cœur des tailleurs de pierre et des charpentiers, comme il l’est à chaque repas offert par telle association humanitaire  et dans chaque permanence de la Cimade, comme il l’est toutes les nombreuses fois où les humains s’unissent et s’organisent pour aider, sauver, préserver ce qui peut l’être, et bientôt reconstruire.

Catherine Axelrad


[1] Jean Gimpel, « Les Bâtisseurs de cathédrales », coll. Le Temps qui court, Ed du Seuil Paris 1958

[2] Ibid, p167-168

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