Des pierres vivantes

« Pour temple, le Christ nous a dit : « C’est vous qui êtes le temple de Dieu ; l’Église, ce sont les hommes, c’est l’édifice vivant dont chacun de vous est une pierre. »

Et nous ne savons pas combien précieuses sont ces pierres ; non, nous ne savons pas, nous tous qui traînons dans la boue des chemins, de quel grain de marbre pur nous sommes faits.

Nous ne savons pas, nous qui croupissons dans l’isolement, loin de nos frères, quel rempart invincible de tendresse et de bonté nous pourrions être.

Nous ne savons pas de quel temple magnifique, de quelle coupole vaste comme le ciel bleu nous pourrions enrichir l’humanité si, nous ramassant de nos poussières, nous allions nous poser l’un contre l’autre, pierres vivantes du temple vivant.

Nous ne savons pas combien de choses, pour lesquelles, nos yeux, aveugles aujourd’hui, n’ont pas de regard, nous verrions luire dans nos nuits, si la clarté, enfin, venant de notre âme renouvelée, venant du Dieu intérieur, éclairait les routes obscures sur lesquelles l’humanité, depuis des siècles, piétine et se blesse les pieds. »

Charles Wagner, L’idée laïque, dans Discours religieux, Paris, Fischbacher, 1905

Nous ne savons pas : dans ces quelques mots qui scandent ce merveilleux texte du fondateur du Foyer de l’Âme, se lèvent les échos des cultes-conférences 2020 qu’ont écoutés beaucoup d’entre nous ; y résonne le bruissement de nos jours agités d’ignorances, d’incertitudes, d’hypothèses, de fausses nouvelles et de mauvaises rumeurs ; y bourdonnent les multiples questions que chacun se pose, et que nous nous posons ensemble, sur le monde qui adviendra entre les pesanteurs et les pressions pour le retour au monde comme avant et les urgences et les inventions pour un autre monde.

Mais de ce que nous sommes à ce que nous pouvons mettre en œuvre, de notre poussière à la pierre vivante, de notre présence dans le monde à la mise en œuvre de la fraternité se déploient confiance et espérance, confiance et espérance aussi vives et agissantes l’une que l’autre puisqu’elles sont celles de Dieu envers nous.

Alors ce qui importe pour les temps qui viennent, c’est de garder le cœur battant et l’âme nourrie de cette confiance et de cette espérance, afin que ce que nous ne savons pas ne soit pas un obstacle mais un élan libéré et libérateur, ravi comme une résurrection et surprenant comme une Pentecôte. C’est de prendre notre inspiration au Souffle qui élargit jusqu’au partage et encourage jusqu’à l’audace.

Dominique HERNANDEZ

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