Situation exceptionnelle
Nous voici dans une situation exceptionnelle, et même inédite, avec un pays, des pays, presqu’à l’arrêt. À Paris, c’est assez impressionnant d’entendre le silence, de voir les rues vides, mais aussi de participer le soir à 20h aux applaudissements qui encouragent et remercient les personnels soignants.
Que pouvons-nous entendre, comprendre de ce temps si étrange ?
Certainement le rappel brutal de notre fragilité d’humain, et celui de la fragilité de nos sociétés, que nous voulions oublier, que nous ne voulions pas voir. Tout cela à cause d’un virus, chose microscopique mais terriblement efficace : les écoles sont fermées, les commerces aussi, les bourses se sont effondrées, les avions restent au sol, et en bien des lieux les hôpitaux sont saturés. Le décompte des malades et des morts est implacablement effectué et pour beaucoup il est difficile de supporter que ni la science médicale ni aucun pouvoir politique ou religieux puissent empêcher la maladie et la mort qui a désormais ajouté à tous ses noms celui du Covid19. La mort s’est imposée à la pensée, au risque de la sidérer et de faire oublier de penser à tant d’autres maux et malheurs qui demeurent : les camps de réfugiés, les nationalismes triomphants, le plastique dans les océans, les femmes battues et assassinées…
Cependant les plantes fleurissent sur la terrasse du temple, les bourgeons gonflent sur les branches, le soleil brille toujours, un peu mieux peut-être car la pollution a beaucoup diminué, les cartes satellites de comparaison à deux mois d’écart sont extrêmement parlantes. Ce qui continue comme à l’accoutumée, ce qui garde rythme et processus, c’est finalement ce qui ne tient pas à l’activité humaine ! Quelques graines d’humilité pourraient, devraient peut-être germer et croître en l’humanité… pour aider à penser et créer le monde à venir.
Au rappel de la fragilité de la condition humaine s’ajoute le poids de l’incertitude : nous ne savons pas combien de temps durera l’épreuve, ni quand nous pourrons à nouveau sortir librement. C’est certainement depuis les débuts de l’humanité que les humains s’efforcent de repousser ou d’éliminer la fragilité et l’incertitude, la mort et l’impuissance, l’ignorance du lendemain, tout ce qui génère une profonde angoisse existentielle.
Malgré tout, ce dont la Bible témoigne, c’est d’un humain fragile, d’un humain toujours en devenir sans avoir à supprimer la fragilité car elle n’est ni malédiction ni punition, mais un humain en devenir en assumant la fragilité qui fait partie intégrante de la condition humaine. Parce que c’est au cœur de la fragilité assumée que sont déposés la confiance et la force qui sont dons de Dieu pour la vie et l’avenir. Notre fragilité, c’est le lieu où Dieu se fait source en nous, avec nous.
Ce dont la Bible témoigne, c’est d’un Dieu qui appelle, appelle, ne cesse d’appeler, d’un appel qui ne s’impose jamais. Et lorsque la réponse est de crucifier Jésus de Nazareth, le Christ donné, l’appel est à nouveau lancé, renouvelé, créé et créateur d’une réalité nouvelle à mettre en œuvre quelle que soit les circonstances, puissance lumineuse vivante et dynamique qu’aucune forme de mal ne peut éteindre.
La résurrection, réalité nouvelle, vient habiter la fragilité pour l’imprégner de confiance et la soustraire au pouvoir de la peur. « N’ayez pas peur » : c’est la première annonce de l’aube de Pâques. Il n’y a là aucune formule incantatoire et auto-suggestive, mais une brèche dans la sidération et le pouvoir de la mort, une brèche dans les murs des mensonges et des corruptions, des injustices et des haines. Et cette brèche ne pourra être refermée, qui engage au combat contre les résignations qui écrasent les vies humaines. C’est là la source de la confiance qui habite la fragilité assumée, ni ambition de s’en sortir tout seul ou mieux que d’autres, ni démission devant les épreuves et les bouleversements, mais confiance que la destinée de chacun et celle du monde se tiennent déjà dans cette aube inépuisable.
Le Christ est ressuscité ! Et nous le sommes avec lui, suscités dans une vie nouvelle, la vie éternelle.
Dominique HERNANDEZ