Ce que nous dit l’hiver

Par Charles Wagner

Extrait de « Pour les Petits et pour les Grands : causeries sur la vie et la manière de s’en servir »

Avec l’hiver bien des maux s’aggravent. Par la belle saison il y a une foule d’agréments et de soulagements, même pour les plus déshérités. Il y a quelques bons moments qui font oublier bien des tristesses. L’hiver nous prive de ces avantages. Il nous traque et nous pourchasse jusque dans nos derniers retranchements. On l’a nommé l’hiver tueur de pauvres gens. Et il mérite cette terrible dénomination. Quelle conclusion tirerez-vous de là ? Si la saison est impitoyable, le serons-nous également ? Le froid ne doit-il pas nous rappeler à la fraternité ? Songer que nos frères ont froid, que les petits enfants grelottent, que les malades manquent de soin à la mauvaise saison, n’est-ce pas entendre le devoir même nous appeler ? L’hiver doit rapprocher la famille humaine comme il réunit autour du feu les membres d’un même foyer. Quand il vient sur nous, serrons les rangs pour nous réchauffer les uns les autres. Depuis longtemps ce devoir a été compris par quelques-uns. Dans beaucoup de pays la saison rigoureuse est celle où s’organisent quelques bonnes fêtes humaines et fraternelles auxquelles tout le monde a sa part. Ou du moins nous voudrions qu’en se généralisant que ces bonnes fêtes répandent leurs bienfaits toujours plus loin. Parmi elles la plus douce est Noël. C’est en même temps celle qui intéresse le plus les enfants. Tout le monde connaît les jolies légendes du petit Noël, de la dame de Noël, du bonhomme Noël avec sa grande barbe blanche, et d’autres personnages tels que le père Janvier et saint Nicolas, fort connus en Lorraine et qui font les délices des enfants ? Qui n’a mis son sabot ou son soulier dans la cheminée pour y trouver ensuite un cadeau ? L’habitude d’illuminer des sapins à Noël nous est venue d’Alsace après la guerre de 1870. Ceux qui jadis avaient vu ces jolis arbres toujours verts garnis de lumière la veille de Noël, voulurent en garder l’habitude. Ils les faisaient même souvent venir de leur pays, malheureusement annexé, afin de respirer encore un  peu le parfum de ses forêts profondes et de ses belles montagnes.  Des familles, le sapin se répandit dans la vie publique. On prit l’habitude d’inviter autour de grands sapins, de vastes assemblées d’enfants et de parents parmi lesquels une multitude d’enfants pauvres.  Et au milieu d’une fête joyeuse et familiale on leur distribuait des gâteaux, des joujoux, des vêtements chauds. Ainsi Noël devint une fête patriotique, où le souvenir des chers pays perdus se célèbre et s’entretient par des citoyens qui fraternisent entre eux et se donnent de mutuels témoignages de leur étroite solidarité et de leur chaude bonne volonté. De semblables rencontres sont bonnes. Elles augmentent entre les hommes la sympathie et le désir de se soutenir les uns les autres. Et là encore l’hiver nous dit des choses utiles à entendre et salutaires à pratiquer.

Si vous avez du cœur; vous comprendrez ces choses que l’hiver dit, cette leçon de bonté qu’il nous offre. Et vous serez bons, disposés à partager avec ceux qui ont peu ou rien, disposés même à donner la becquée aux petits oiseaux, que la neige et le froid rendent malheureux. Mais surtout vous n’imiterez pas les égoïstes qui vont de fête en fête en hiver et ne pensent pas à leurs frères malheureux.

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