Communauté, communautarisme, un peu de sémantique

Par Didier You

Le mot « communauté », en soi, n’a rien de péjoratif. Il est beau d’appartenir à un groupe qui a des choses (biens matériels, passé, culture, foi) en commun. Nous utilisons d’ailleurs volontiers le terme pour désigner nos paroisses, voire l’ensemble d’une religion (la communauté chrétienne, par exemple). Et lorsque l’on parle de la « communauté des gens du voyage », c’est en général pour désigner un ensemble de personnes, sans connotation péjorative, voire pour éviter des expressions moins gratifiantes.

Le communautarisme, par contre, est un terme très généralement vilipendé. Il désigne une attitude consistant à privilégier sa communauté au détriment d’intérêts plus vastes, comme ceux de la nation ou de la république. C’est presque un équivalent de sectarisme, ce dernier mot étant réservé au domaine religieux.

On voit bien la dérive hypocrite possible, certains n’hésitant pas à se proclamer farouchement opposés à tout communautarisme, pour dissimuler qu’ils sont en réalité opposés à certaines communautés bien déterminées. Le communautarisme ainsi devient l’apanage condamnable de ceux qui appartiennent à une autre communauté ethnique ou religieuse. La vieille histoire de la paille et de la poutre. Le communautariste, c’est l’autre. On dénonce le communautarisme, mais on pense en réalité « les musulmans » (ce n’est qu’un exemple, il y en a d’autres).

Mais si l’on ouvre le Petit Larousse, on trouve une autre acception : « Tendance du multiculturalisme américain qui met l’accent sur la fonction sociale des organisations communautaires (ethniques, religieuses, sexuelles, etc.) ». Ce communautarisme, donc plutôt bénéfique, par sa « fonction sociale », apparaît totalement ignoré dans le langage des médias et des politiciens français. Peut-être est-il, comme le suggère le dictionnaire, réservé au domaine américain. Ne serait-il pas temps de penser que, bien comprise, une telle conception de la communauté peut être utile à l’ensemble de la société, en créant des échelons intermédiaires entre les citoyens et la société ? Dans le monde du travail, par exemple, on reconnaît généralement le rôle utile des syndicats pour un bon fonctionnement des entreprises. Ceci aurait pour mérite de recréer du lien social et de faciliter la vie dans nos sociétés, lesquelles, en laissant seul le citoyen face à un Etat déshumanisé, favorisent un individualisme excessif, et même un égoïsme forcené.

C’est une question de culture et de degré : j’appartiens à une communauté, laquelle est incluse, dans une plus vaste, laquelle est à son tour… et ainsi de suite, par cercles concentriques. Et là, cela devient un mode de fonctionnement positif pour… la communauté nationale.

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