Pessimiste ou optimiste, par Albert Schweitzer

(Ma vie et ma pensée, Albin Michel, Paris, 1960)

Lorsqu’on me demande si je suis pessimiste ou optimiste, je réponds qu’en moi la connaissance est pessimiste mais le vouloir et l’espoir sont optimistes.

Je suis pessimiste lorsque je sens tout le poids de ce qui, selon notre entendement, semble dénué de raison dans le cours des événements du monde. Ce n’est qu’à de rares instants que je me suis senti pleinement heureux d’être en vie. Je ne pouvais m’empêcher d’éprouver toute la souffrance que je voyais autour de moi, non seulement celle des hommes, mais celle de toutes les créatures.

Je n’ai jamais essayé de me dérober à cette communion dans la souffrance. Il me semblait aller de soi que nous devons tous aider à porter le fardeau de douleur qui pèse sur le monde. Dès le temps je fréquentais le lycée, je m’étais rendu compte qu’aucune explication du mal qui règne en ce monde ne pourrait jamais me satisfaire (…)

Cependant, si occupé que je fusse du problème du mal et de la souffrance en ce monde, je ne me suis jamais perdu en méditations mélancoliques à ce sujet. Je me suis attaché à l’idée qu’il était donné à chacun de nous de faire cesser un peu cette souffrance. Peu à peu j’ai été amené à penser que tout ce que nous pouvions comprendre de ce problème, c’est qu’il nous faut suivre la voie de ceux qui peuvent amener la délivrance.

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